vendredi 8 février 2019

Sans queue ni tête - Extrait 2 - Le temps

Sans queues ni têtes (Pierre Rousseau, 1974) est une (brève) tentative d'écriture spontanée... pas très réussie, je dois l'avouer. Voici donc un deuxième court extrait de ces propos décousus:


25 juillet 1974

Comme je ne répète depuis t’alleurs, la petite est cuisine et la tressaute flambe, de nous énervons pas les nerfs à s’énerver dans l’énervement collectif qui caractérise la collectivité d’aujourd’hui à hier. Il ne faut pas que je sombre dans la léthargie qui me guidera sûrement vers les abîmes de la mort lente et inflexible qui me frôle de sa robe blanche sans mon consentement. A-t-on idée de fai­re peur au monde comme ça? Des fois, hein? Ouais, faut pas se gê­ner? Après tout, la vie appartient à qui? Je sais pas, mais elle appartient à tout le monde. Et tout le monde, c’est toutte le monde, moi y compris? Compris? Vertueuse pécheresse. File dans la maison abandonnée qui trame ses souliers sur le bord du sentier et fait y fleurir des fleurs multicolores comme ton cœur. Enivre-toi de l’air de tes yeux lumineux qui brillent sur l’étang comme deux luci­oles amoureuses. Va et chante aux oreilles des lutins que ma pas­sion repose dans ce monde jusqu’au plus profond de la magnificence de l’UNIVERS. N’oublie pas de dire celle qui t’écoutera que le monde ne finira jamais sans qu’elle-même ne l’ait décidé dans les siècles des siècles. Amen.

La flamme brûle le temps, et le temps ne se plaint pas. Il devrait pourtant le faire. Mais non. Qu’est-ce qui pense de tout ça, le temps? N’est-il pas tanné de faire vieillir le monde, de faire mourir les plantes. À quoi joue-t-il comme ça?

Le temps d’un soupir
le temps d’un émerveillement
le temps d’une fleur
le temps d’un crime
le temps d’un espoir
le temps d’une joute de hockey
le temps d’une mort subite
le temps d’une bonne raclée
le temps d’une métamorphose royale
le temps d’un combat de boxe
le temps d’une jambette
le temps d’une fin
le temps d’une phrase
le temps d’une marche nuptiale
le temps d’une fuite éperdue
le temps d’un souper
le temps d’un baiser
le temps d’une chose à ne pas faire
le temps d’un détournement d’avion
le temps d’une piqûre de moustique
le temps d’un tour de tramway
le temps d’une engueulade
le temps d’une fête
le temps de te dire je t’aime... 

Et le temps qui coule
comme une larme
comme un péché
comme un serment
comme une réjouissance
comme un enterrement
comme une oasis de beauté
comme un lugubre hurlement
comme une vessie
comme une enclume au soleil 
comme un cheval mort
comme un nuage d’amour
comme une chute ensanglantée
comme un ciboire en or
comme une chatte en rut 
comme un lac artificiel 
comme une bûche de noël
comme une automobile verte
comme un point d’interrogation
comme une manivelle
comme un cure-temps
comme un jeu de croquet
comme une jouissance
comme une belle fille
comme un peu de boue
comme un ongle incarné
comme une virgule hystérique
comme un chagrin
comme un sperme... 

Et le temps qui fuit pareil à un soleil couchant
pareil à une claque su a gueule
pareil à une insomnie
pareil à un kick de vivre
pareil à une langue pendante
pareil à un juif errant
pareil à une armoire à glace
pareil à un oeil ouvert
pareil à un morceau de sucre
pareil à une hache aiguisée
pareil à une tranche de pain
pareil à un homard mort
pareil à une charrue devant les bœufs
pareil à une banane bleue
pareil à un enfant souriant
pareil à une chandelle qui agonise…

Et le temps, le temps, tout ce temps qui meurt AVANT MOI.

C’est tout un trip. Je trip comme si j’avais pris du pot, du hasch du grass, etc. (tout ce qui a le même nom et le même effet). La grange que tu m’a donnée m’enveloppe dans une enveloppe: mets un tim­bre et expédie-moi là où les arbres sont aussi grands que mon désir de vivre et de mourir pour revivre.

Je vois le soleil qui m’épie du haut de ses seize ans et j’ai peur que le temps, encore ce maudit temps… ne le fasse fondre comme une glace au soleil parce que la lune est trop belle ce midi... et la queue de la comète m’arrose de joie et d’étincelles, je suis ivre d’étoiles et de ténèbres comme un oiseau dans un lac noir. Les poissons ont des ailes et les marsouins marchent sur des échasses. Il fait bon humer l’air marin par cent brasses de fond. C’est comme dans un tombeau d’or et d’encens : la mort est belle le midi, plus belle que la fée des étoiles... (la fesse des étoiles) Elle sourit comme un espoir en tendant sa main douce et belle.

Mais l’ancre du navire a atterri près de moi et la vase soulevée m’a aveuglé. Pourquoi ces marins du dimanche viennent-ils toujours mouiller leurs navires de désespoirs juste au-dessus de moi. Les étoiles de mer jacassent: elles complotent sûrement la destruction de la flotte guerrière. Je suis avec elles. Il faut en finir une fois pour toutes. À bas les armes et les querelle. Faisons la paix et aimons les uns les autres. La vie est là qui nous tend qui nous temps les bras et vogue la galère...
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