dimanche 31 mars 2019

Poésie - Anthologie sur l'enfance Souffle de vie

En 2005, trois de mes poèmes (Pour en finir avec l’enfance, Fragilité et Au bout du quai) ont paru dans Anthologie sur l'enfance Souffle de vie.

Voici le dernier courriel de Danny Boisvert:

Bonjour,


J'ai lu attentivement vos textes. J'ai beaucoup apprécié. Cependant, je ne peux pas tous les accepter. Voici ce que je retiens: 1- Pour en finir avec l'enfance, 2-  Fragilité et 3- Au bout du quai. 

Est-ce que ces poèmes ont déjà été publiés quelque part ? 

J'aimerais avoir une courte bio. de vous 

1- année de  naissance, originaire de quel endroit
2- réalisations littéraires et distinctions...  

Danny Boisvert
Anthologie sur l'enfance Souffle de vie / collectif d'auteurs ;
[compilation par] Dan Boisvert ; [préface de Céline Dion],
Warwick : D. Boisvert, impression 2005

Sur la quatrième de couverture:
Anthologie sur l'enfance 
En tant que père d’un enfant atteint de la fibrose kystique, je m'implique intensément pour soutenir les recherches pour combattre cette maladie. En tant que poète, j'ai eu |'idée de produire une anthologie de poésie ayant comme fil conducteur les enfants. J'ai fait appel à toute la Francophonie. Des poètes de la France, de la Belgique, d'Israël et des quatre coins du Québec m'ont promptement répondu. 

Voici Souffle de vie. 

Malgré le triste événement à l'origine de ce projet, je voulais que ce recueil en soit un de joie.  Dans ce recueil, les enfants dansent, chantent, rient, crient d’allégresse plus qu'ils ne pleurent, même dans la tourmente. Ils ont cette simplicité de cœur, une candeur indéfinissable et une foi à déplacer les montagnes.
Que le Souffle de Vie puisse être de nouveau insufflé! 

Danny Boisvert


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Mes poèmes, aux pages 139 et 140: Pour en finir avec l'enfance et Fragilité

Note: pour Fragilité, les poèmes Fragilité et Au bout du quai ont été fusionné par erreur (voir plus bas).

Pour en finir avec l’enfance

Les cloches sonnent six heures.
La chair frémit.
Le soleil se couche lentement,
Comme l’enfant qui va mourir
Et donne le temps à sa famille
De l’apprécier un peu
Avant de disparaître.

Un jour, la cloche se taira,
La peau refroidira,
Le soleil se lèvera sur une tendre absence.
Ne restera que le silence
Et une longue déloyauté.
~~~

Fragilité

L’enfant est ardoise,
Sensible aux grincements,
Aux mots que l’on bafouille,
À la libellule happée en plein vol,
À la peau déchirée,
Aussi aux instants privilégiés,
anniversaires,
fêtes,
encensements,
célébrations,
réjouissances
À toutes ces occasions propices aux bougies,
Alors que l’enfant serre ses parents contre lui,
Pas trop fort, fragiles comme ils sont.

L’enfant touche mon bras,
Me parle de lumière,
Alors qu’il y a tant d’ombre dans ses yeux.

Assis au bout du quai,
Il balance ses jambes nues,
En faisant un la la la improvisé,
Une belle mélodie, une complainte,
Qui prend peu à peu une cadence soutenue,
Comme celle des galères...
~~~
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Les deux poèmes distincts:

Fragilité
L’enfant est ardoise,
Sensible aux grincements,
Aux mots que l’on bafouille,
À la libellule happée en plein vol,
À la peau déchirée,
Aussi aux instants privilégiés,
anniversaires,
fêtes,
encensements,
célébrations,
réjouissances
À toutes ces occasions propices aux bougies,
Alors que l’enfant serre ses parents contre lui,
Pas trop fort, fragiles comme ils sont.

Au bout du quai

L’enfant touche mon bras,
Me parle de lumière,
Alors qu’il y a tant d’ombre dans ses yeux.

Assis au bout du quai,
Il balance ses jambes nues,
En faisant un la la la improvisé,
Une belle mélodie, une complainte,
Qui prend peu à peu une cadence soutenue,
Comme celle des galères...
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La courte biographie est la même que dans le Dictionnaire des poètes d'ici:
Nouvelliste, lexicographe, romancier, photographe, ébéniste, informaticien et poète, né à Montréal. Quoiqu'il ait fait son cégep, il se déclare autodidacte. Après ses études, il exerce divers métiers: informaticien, inspecteur de bâtiments et ébéniste; il fonde une société à cet égard à Saint-Fulgence, anime un centre récréo-éducatif, dirige un parc, bref s'intéresse à tout ce qui est humain.  
Il cumule des prix en photographie et en écriture romanesque, et rédige un lexique de l'œuvre de Gilles Vigneault (1990). En 1984, parait son premier recueil de nouvelles: L'insolitude, son premier roman jeunesse: Le Grand jeu (1985), une Méthode pratique de développement d'une idée créatrice (1991), un Dictionnaire pratique de lecture (1993), et finalement, en 1998, il lance chez Guérin son premier recueil de poésie: Les Fillettes du roi. 
Bref, ses multiples activités et son écriture étonnent. 
Photos: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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vendredi 29 mars 2019

Revues et magazines - Vigneault à L'Express

L'Express international - Numéro spécial francophonie

N° 2662 - Semaine du 17 au 23 octobre 2002

Gilles Vigneault: «La langue française est assiégée»



À part celle de la Une, voici deux autres citations:
«Il y a ici une façon de vivre distincte de l'Amérique.»
«Si on perd notre langue, on perd notre pays.»

Et une touche d'humour:

À la question:

Quel est, à vos yeux, le plus beau mot de la langue française?,

Vigneault répond: «Femme, nue surtout.»


Photos: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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jeudi 28 mars 2019

Livres et cahiers pratiques - La prévention des incendies

La prévention des incendies... un pas vers la solution

Cahier éducatif à colorier,
par l'Association des chefs de service d'incendie du Québec, 64 pages.

- Évaluation des risques
- Évacuation des lieux
- Extinction du feu

Idée originale: Gérard Laurier

 Première de couverture

  Quatrième de couverture


Page 1 

Page 23 

Page 44

Et commandité, bien sûr (par Les Coopérants):

 Deuxième de couverture 

 Troisième de couverture

Prenant bien soin de reproduire, sur les 6 pages de prise de notes,
le «trombone» de la compagnie:

Page 56

Photos: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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mercredi 27 mars 2019

Chansons - Marin

Voici le 45 tours d'une de mes chansons d'enfance préférées: « Marin », interprétée par Les compagnons de la chanson


Inscriptions sur la FACE A du 45 tours - Marin:

Recorded in France by Les Industries Musicales et électriques / Pathé Marconi 7 XCL 7667
PAM 77.375 (2'20)

MARIN

(J. Broussolle - Scharfenberger)
Les Compagnons de la chanson

Arr.: J. Broussolle

MFD. By Capitol Records of Canada, LTD, In Canada

Unauthorized public performance, broadcasting and copying of this record prohibited

All rights of the manufacturer and of the owner of the record work are reserved

Paroles de la chanson « Marin »

                         Enfant du voyage
                         Ton lit c'est la mer
                         Ton toit les nuages
                         Été comme hiver

                         Ta maison c'est l'océan
                         Tes amis sont les étoiles
                         Tu n'as qu'une fleur au cœur
                         Et c'est la rose des vents
                         Ton amour est un bateau
                         Qui te berce dans ses voiles
                         Mais n'oublie pas pour autant
                         Que l'on t'attend

                         Enfant du voyage
                         Ton cœur s'est offert
                         Au vent, aux nuages
                         Là-bas sur la mer

                         Mais tu sais que dans un port
                         Tremblant à chaque sirène
                         Une fille aux cheveux d'or
                         Perdue dans le vent du nord
                         Une fille aux cheveux d'or
                         Compte les jours et les semaines
                         Et te garde son amour
                         Pour ton retour



Photo: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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mardi 26 mars 2019

Littérature québécoise - Christ de corps

En 2004, un extrait de « Les orifices du corps dans les arts, la littérature et ailleurs: entre vice et vertu» paraissait dans La Compagnie à Numéro présente Christ de corps - De la corruption à l'incorruption, page 185

 Première de couverture

Quatrième de couverture

Page 272


Texte intégral


De la beauté et de la laideur des orifices

Terpsichore, muse de la danse engendrée de Zeus et de Mnémosyme (qui veut dire Mémoire), était belle(1) et ses orifices l’étaient aussi, il ne peut en être autrement, quand on sait, comme Marcel Proust, voir le temps et toutes choses comme « un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats(2). » Cette aptitude à percevoir le monde sensible au-delà des simples sens prouve, hors de tout doute, que ce que les autres ont vu et qu’on n’a pas vu soi-même reste des œuvres d’imagination.

Si les poètes ont, de tous les temps, chanter les orifices, pour leur beauté surtout et avec d’heureuses images – « Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges / Elle avait un visage aux couleurs de France» écrit Apollinaire(3) – mais aussi pour leur laideur, ils l’ont fait avant tout pour ce que ces plus-que-trous avaient à leur offrir : plaisirs et jouissances. Selon l’ouverture ou la fermeture d’esprit des personnes, et de leur état d’âme parfois, les orifices du crâne et du bas du corps, avec tout ce qui les circonscrit – et c’est ce qui fait habituellement tout leur intérêt – sont beaux, adorables, célestes, charmants, envoûtants, ou ils sont laids, dégoûtants, sales, repoussants. Certains en font l’éloge, alors que d’autres n’y voient que luxure et péché.

Quoi qu'il en soit, les orifices sont invitants, tant on ne voit qu’eux, même s’ils sont partiellement ou totalement cachés. Il suffit de regarder, par exemple, la personne aimée : « J’ai aperçu ma maîtresse qui dormait dans les haubans / J’ai r’connu son blanc corsage, son visage souriant(4). » Ici, la femme est attachée, l’homme regarde son corsage ; le sourire confirme que la femme est consentante. Même en liant le corps par pieds et poings, les orifices ne sont nullement handicapés, à peine un peu désavantagés par le fait que le sujet ne peut plus les mener où bon lui semble. Pour ne plus qu’ils servent, il faut les mutiler, voire leur faire subir les pires sévices, c’est-à-dire les boucher ou les coudre. Du nez aux seins, des oreilles aux joues, du clitoris à la langue, volontairement ou non, les humains ont, depuis toujours, mutilé leurs orifices. Par automutilation, telle Formosante, la princesse de Babylone qui, malgré tous les cadeaux qu’elle a reçu,(5) toute en larmes, perce le ciel de ses cris et se meurtrit les joues et la poitrine lorsqu’on tua son oiseau unique ;(6) ou cette Magdeleine Bavent qui « essaya follement de se faire entrer dans la tête une longue épingle par l’oreille(7). » S’offre aussi l’opportunité de mutiler les orifices des autres, telle cette femme d’une beauté remarquable à qui on mit un anneau à son nez et des pendants à ses oreilles, et qui deviendra, fatalement, une prostituée d’une beauté remarquable (Ez 16,12). D’autres se servent parfois de leur membre viril avec rage, pour perturber des orifices consentants ou non :

« Le pénis endolori saigne, urine, transpire, éjacule dans les bouches qui mordent, sur les langues qui lèchent, sur les lèvres qui caressent, dans les vagins qui se tordent, à l’orée des anus distendus, entre les seins gonflés, sur la mousse des pubis [...] »(8)

Les orifices ne sont pas toujours invitants, voire tout juste supportables. Mais, quoique laid ou, pis encore, hideux, l’orifice n’en perd pas pour autant son usage. Il est, par contre, moins sollicité par autrui. Jeanne de Valois était laide, tous les historiens s’accordent sur ce fait, et cela ne peut venir que de ses orifices mal entourés. Liselotte(9) parle de deux orifices de sa fille dans une de ses célèbres lettres : « Ma fille est laide. [...] Elle a un vilain nez rond et des yeux enfoncés dans la tête(10). » Pour Maupassant, la laideur passe par les seins, les fesses, les yeux, les lèvres, qu’il décrit avec maints qualificatifs qui se veulent exagérément suggestifs, comme une condamnation : « Des femmes, des filles aux cheveux jaunes, aux seins démesurément rebondis, à la croupe exagérée, au teint plâtré de fard, aux yeux charbonnés, aux lèvres sanguinolentes(11). » Pour Eugène de Mirecourt, qui utilise les mêmes armes, c’est la femme désavantagée par ses yeux et par sa bouche : « Représentez-vous une maîtresse d’école avec deux petits yeux vert de mer et vert de terre, la lèvre plate et les dents clairsemées, qui veut être belle en dépit de la nature et de la fortune(12). »

Si Jules Michelet parle de rats voraces, redoutés aux prisons et sujets à manger des nez, des oreilles(13) ou d’une chauve-souris qui, d’un bec aigu, cueille à sa bouche effrayée d’horribles baisers,(14) c’est pour mieux faire ressortir la fragilité des orifices en regard de la cruauté qu’on peut aisément exercer sur eux, par vengeance le plus souvent. Certaines personnes, par contre, laissent la nature faire son œuvre, sans l’aider ou faire en sorte que les dégâts du temps soient moins apparents. Ovide parle d’une femme dont le regard ne se porte droit nulle part, aux dents ternies par le tartre, au sein verdi par la bile, et dont la langue baigne dans le poison ; de plus, cette femme ignore même le sourire.(15) Il est possible de voir dans cette description, non une pauvreté corporelle qui désavantage le sujet, mais une réelle souffrance qui se répercute sur la personne, ce que l’on pourrait appeler la misère humaine – « La misère pose sa patte sur mon museau », dit Michel Hérault. (16) Les orifices s’animant en fonction des désirs émis par le cerveau, des yeux éteints, une bouche molle, un nez qui souffle ne sont pas nécessairement signe d’un équilibre psychique. Peut-être est-ce temporaire, mais pendant ce temps où les orifices ne sont pas mis à contribution pour explorer le monde environnant, ils n’émettent pas d’invitation – sexuellement parlant – et repousse même ce qui les nourrirait en beauté et en grâce.

Quand on parle des orifices, il est donc facile de sombrer dans l’horreur, puisqu’ils sont les portes permettant à d’autres corps vivants – pénis(17), langue, doigt – de s’introduire, de gré ou de force, à l’intérieur de la plus profonde intimité qu’un humain puisse accepter. Alors que Suzanne Lamy semble apprécier les « caresses lisses et paisibles du cheveu et du sein / du sperme et de la fesse avide d’annuler les scissions et te veux indivis »,(18) comment concevoir ce que l’on fait à tous les orifices d’Augustine – sauf le nombril – dans cet extrait de Sodome et Gomorrhe :
Il lui enfonce un fer chaud dans le con et dans le cul, et la fout sur les blessures [...] on lui brûle à petit feu le téton qui lui reste, puis on lui enfonce dans le con une main armée d’un scalpel, avec lequel on brise la cloison qui sépare l’anus du vagin ; on quitte le scalpel, on renfonce la main, on va chercher dans ses entrailles et la force à chier par le con [...] on lui coupe les oreilles, on lui brûle l’intérieur du nez, on lui éteint les yeux en laissant distiller de la cire d’Espagne brûlante dedans [...] le duc la foutit en con dans cet état, il déchargea et n’en sortit que plus furieux [...] Ce fut là qu’elle rendit l’âme. Ainsi périt à quinze ans et huit mois une des plus célestes créatures qu’ait formées la nature.(19)

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1 « Si belle ! avec ses cils sur ses yeux d’améthyste / Et grande la bouche longue avec une langue », comme dirait Pierre Jean Jouve, dans La sainte de l’abîme.

2 PROUST, Marcel. À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », c1954, v.3, p. 889.

3 APOLLINAIRE. Guillaume, Alcools : suivi de le bestiaire, Paris, Gallimard, coll. «Poésie», 1920, p. 124.

4 BARBEAU, Marius. Chansons populaires du vieux Québec, Ottawa, coll. « Musée national du Canada. Bulletin », 1935, p. 44. Dans l’avant dernier vers, on retrouve le mot haubans, qui sont des cordages ou des câbles métalliques servant à assujettir un mât par le travers ou par l’arrière, donc à maintenir ou à consolider des objets, et peut-être même des personnes, tel que le pratiquent les sado-masochistes en certaines occasions, exercice qu’on appelle le bondage en anglais, terme que l’on pourrait traduire par ligotage.

5 En effet, elle reçut 2 crocodiles, 2 hippopotames, 2 zèbres, 9 rats d’Égypte, 2 momies, les livres du grand Hermès, 100 éléphants, 100 chevaux de bataille, etc.

6 VOLTAIRE. Romans de Voltaire: suivis de ses contes en vers, Paris, Librairie Garnier, [s.d.], p. 380. Très loquace, cet oiseau lui avait apporté la tête coupée d’un lion dans laquelle on avait remplacé les 40 dents par 40 diamants.

7 MICHELET, Jules. La sorcière, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 191.

8 CHANDET, Elisabeth. Cataclysme sexuel, Paris, E. Losfeld, 1970, p. 61.

9 Charlotte-Élisabeth de Bavière, dit princesse Palatine, dit duchesse d’Orléans, appelée plus familièrement Liselotte.

10 FUNCK-BRENTANO, Frantz. Liselotte, duchesse d’Orléans, mère du régent, Paris, éditions de la Nouvelle revue critique, 1936, p. 144.

11 MAUPASSANT, Guy de. Contes et nouvelles, v.1, Paris, R. Laffont. coll. « Bouquins », 1988, p. 227.

12 MIRECOURT, Eugène de. La queue de Voltaire, Paris, E. Dentu, Humbert, p. 85.

13 MICHELET, Jules. La sorcière, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 216.

14 Idem., p. 80.

15 OVIDE. Les métamorphoses, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 86.

16 HÉROULT, Michel. Quatre temps du poème, Chamarande, Soleil natal, 1994, p. 20.

17 On affuble le pénis de toutes sortes de noms : bâton, bite, borgne, coquin, cierge, manche, queue, quéquette, sabre, flûte à un trou, petit frère, os à moelle, dard, thermomètre à perruque, cigare à moustache.(TRIMMER, Eric J. Encyclopédie du sexe, Paris, A. Michel, 1979, p. 127.) Le vit, c’est le levier ou la barre de porte — ou de vagin! ; une verge, une simple baguette (virga); et andouille signifiait pénis jusqu’au XVIIIe siècle. (PAGÈS, Frederic. Au vrai chic anatomique, Paris, éditions du Seuil, coll. « Points. Point-virgule », 1983, p. 41.) Il y a toute la symbolique du pénis, selon Freud : « les poissons, les chats, les souris, les lézards (dont la queue repousse), les serpents »; « le pied, la main », sans oublier le nez. (SIMONSEN, Michèle. Le conte populaire français, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je? », 1981, p. 74.)

18 EN COLLABORATION. La nouvelle barre du jour, numéro 106, Montréal, La nouvelle barre du jour, 1981, p. 79.

19 SADE, Marquis de. Sade\Oeuvres complètes, Paris, J. -J. Pauvert, 1986, v. 3, p. 437.

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Du sexe de la femme

Toujours contrariant, Voltaire écrit que les femmes ressemblent aux girouettes et que lorsqu’elles se rouillent, elles se fixent,(1) donc, qu’elles consentent plus aisément au mariage. Puisque les plaisirs véritables sont généralement cachés ou difficilement accessibles, par lois ou par détours, le sexe de la femme, c’est-à-dire son érotisme, se dissimule entre ses cuisses. C’est la caverne, l’antre, le nœud de l’arbre ;(2) c’est le fourreau de l’épée ; c’est aussi une boîte, un coffret, un vase, un poêle. Des noms scientifiques et franchement laids pour cette région du corps féminin : vulve, clitoris, vagin. À travers les siècles, le commun des mortels lui en a trouvé de bien plus jolis : abricot, amande, chat, chachatte, croquette, tirelire, foufounette, frifri; mais, aussi, de bien moins jolis, hélas : baveux, casemate, con, huître, pertuis, serrure, bénitier, fente, porte-monnaie à moustache, etc.(3) L’homme a toujours su exprimer de façons imagées, voire poético-dramatiques, cette région grande comme la surface de la main, « ces cryptes forgées d’odeurs leurs secrets contours floraux et délicats d’entrailles volages de poissons(4). » 

Verlaire écrit :
Je bois dans ta déchirure
J’étale tes jambes nues
Je les ouvre comme un livre
Où je lis ce qui me tue.(5)
Chez les Bambaras et les Dogons, la fourmilière est la vulve de la terre.(6) En fait, la vulve est beaucoup plus près de l’eau,(7) alors que les Nymphes, déesses des eaux, sont devenues simples lèvres de la vulve : « Ce ƒont des manieres de petites aîles membraneuƒes qui ƒont à côté du conduit de l’urine: & elles s’appellent Nimphes, parce qu’elles préƒident aux eaux, & qu’elles les conduiƒent(8). » Mais, c’est avant tout une région hautement érogène qui sublime le désir et les pulsions de vie, comme le prône Freud. Dans le général ou le particulier, le sexe de la femme renferme une grande force, celle d’un torrent aux crues subites. Nana, véritable idéal sexuel pour les hommes de l’époque, debout devant quinze cents personnes, reste victorieuse « avec sa chair de marbre, son sexe assez fort pour détruire tout ce monde et n’en être pas entamé(9). »

N’empêche, certaines femmes déforment les lèvres – ces petites ailes – par élongation volontaire, entre autres en y suspendant des pierres(10): c’est hypertrophie clitorido-labiale. Le tablier des Hottentotes, comprenant les lèvres et / ou le clitoris, atteint une longueur de cinq centimètres en moyenne, mais peut aller jusqu’à vingt centimètres ; c’est la déformation artificielle la plus remarquable de cette tendre région du corps féminin.(11) Il y a aussi les mutilations par infibulation, jusqu’à la fermeture presque complète de l’orifice vaginal par suture et accolement cicatriciel des grandes ou des petites lèvres(12) ; par dilatation vaginale en introduisant de force un épi de maïs ou une corne de bovidés, ou tout autre objet de forme allongée.(13) Plusieurs fois par jour, une fillette de sept ans, schizophrénique, tirait sur la peau du mont de Vénus et les tissus antérieurs de la vulve pour l’allonger et se donner un pénis ; tout en la montrant à ses compagnes, elle disait : « Regardez mon pénis. »(14) Une verge peut être aussi une absence. Voilà la réflexion d’un homme devenu femme se tenant debout devant un miroir :
[...] la transplantation du clitoris était un succès sans réserve [...] j’eus de la peine à croire que cette fente était maintenant mienne. [...] J’étais devenu mon propre fantasme de masturbation. Et, comment le dire, ma verge dans ma tête se contractait encore à me voir moi-même [...] Mais il n’y avait plus rien, là où je me rappelais ma verge. Il n’y avait plus qu’un vide, une absence définitive, comme un silence bruyant(15) .

Pour Kant,
l’usage naturel qu’un sexe fait des organes sexuels de l’autre est une jouissance, pour laquelle chaque partie se livre à l’autre. En cet acte l’homme fait de lui-même une chose [...] Mais l’acquisition d’un membre en l’homme est en même temps acquisition de la personne toute entière, car celle-ci est une unité absolue [...](16)

Pour Sévérine Aufret, « on n’a jamais tant détaillé le sexe des femmes que lorsqu’il s’agit de la détruire. Couture, fermeture, ouverture, coupure, déchirure [...](17) » Même les malformations congénitales du vagin sont ridiculisées, entre autres chez les Haoussa du Nigéria où une fille très belle, mais atteinte d’obstruction vaginale peut entendre les garçons chanter : « Elle est bouchée, on ne peut que la regarder, telle qu’elle est, sans porte, sans passage quelconque(18). » C’est souvent par domination du mâle qu’on fait ces mutilations à la femme, tel ce mari jaloux qui, désireux de se venger des infidélités de sa maîtresse, introduisit dans son vagin un phallus de bois garni de pointes acérées, lesquelles s’enfonçaient dans les parois vaginales à la moindre tentative pour le retirer.(19)

Par sa morphologie, la vulve peut facilement être rapprochée des lèvres qui ferment la bouche. Dans le roman anonyme Séduction-jeunes amours, Germaine, la gouvernante, essaie, à la dérobée, de regarder sous les jupes de Marguerite, treize ans, qui joue sur le lit :
« entre les cuisses, tout au fond, de petits coins de chair plus rouge, de forme allongée, la petite fente sexuelle encore dépourvue de tout duvet, semblable à une bouche toute rose sur laquelle elle aurait tant voulu coller ses lèvres avides de baisers(20). »
Les humains ont rapproché, dans tous les sens du terme, la bouche et le vagin, et plus particulièrement les lèvres et la vulve. Ne dit‑on pas, en Chine, qu’une femme qui porte une marque sur la lèvre a la même sur le sexe ?(21) En associant la bouche à la vulve, Catulle nous donne une étrange et irrespectueuse image du rire d’une femme : « Et puis ce rire – on dirait une vulve de mule qui pisse / Toute béante, tordue sur le torride juillet(22). » Montherlant fait aussi cette curieuse analogie entre les lèvres et le vagin : « J’aime une femme qui rie. Il semble alors que son vagin remonte jusqu’à sa bouche, en vrillant, comme certaines fusées de feux d’artifice(23). » Pour compléter ce tableau buccal, nous pourrions comparer le clitoris à la luette, cet appendice conique tellement sensible au toucher, mais sans corps caverneux. Il ne manquerait plus au vagin que d’être loquace, et non sonore, comme Martial qui n’appréciait pas, dans les saccades amoureuses, que le vagin de sa partenaire se fasse bruyant : « Toutes les fois que je m’approche de toi pour l’oeuvre d’amour, et que nous nous démenons [...] ton vagin se met à bruire [...] je suis choqué de la loquacité de ton vagin [...] je préférerais t’entendre péter [...](24) » La nature portant une attention méticuleuse et très approfondie à tous les aspects des changements qu’elle opère, l’évolution d’un genre de primates (Homo) a peut-être forcé cette nature à compenser la verticalité qu’adoptait peu à peu ce qui allait devenir l’homo-sapien. En effet, l’animal marchant à quatre pattes a les yeux à bonne hauteur du postérieur de la femelle ; il peut apercevoir aisément l’ouverture vaginale et être ainsi excité, autant par la vue que par l’odorat. Mais l’hominien, qui marchait de plus en plus debout, éloignait œil et nez de ce point chaud. Si le mâle humain a perdu le pouvoir de sentir la région pelvienne de la femme, il a aujourd’hui sous le nez les parfums aphrodisiaques dont elle s’asperge, et sous les yeux, les lèvres pulpeuses qu’elle rougit à point. Ainsi, tout en étant debout, il ne peut qu’être attiré par ces muqueuses rappelant la vulve. Pour cette imitation, la nature a fait en sorte que, dans l’évolution des hommes préhistoriques vers les hommes actuels, les lèvres (de la bouche), qu’elles soient minces ou épaisses, deviennent des muqueuses exceptionnellement tournées vers l’extérieur, à l’opposé des chimpanzés par exemple, ou des lèvres de l’australopithèque (préhominien) qui se rapprochaient plus de cet animal que de l’homme d’aujourd’hui. En regardant les dessins imaginaires faits par des artistes pour montrer à quoi ressemblaient nos ancêtres bipèdes, nous remarquons que plus l’homme évolue en tant qu’espèce animale, plus ses lèvres s’éversent. Si les lèvres humaines reproduisent ainsi la forme de la vulve, c’est sans aucun doute pour attirer l’homme viril et l’inciter à perpétuer l’espèce. Par le fait même, les lèvres ont amené l’humain à faire l’amour face à face, particularité propre à son espèce, apportant ainsi une dimension affective aux rapports sexuels proprement dits.

La bouche étant donc un orifice fortement sexualisé chez l’humain, les lèvres ne manqueront pas de se poser sur la vulve, en des baisers fougueux, cette région restant invitante autant pour l’homme que pour la femme (l’homosexualité), comme le montre bien cette description que fait Hugues Corriveau d’une passion érotique incestueuse entre deux sœurs :
Sa langue fouissait, faisait des vrilles. Elle me noyait complètement de sa salive et suçait ce qui sortait de moi. Elle embrassait mon petit médaillon à pleine bouche, me faisait venir sur ses dents. Je me savais donnée à ma sœur qui me léchait et me léchait sans fin. Sa langue passait sur mes lèvres, entrait en moi, me fouillait. Pour la première fois, mon bas‑ventre vivait vraiment par la bouche de ma sœur.(25)
Naissance à rebours, pour son amusement, l’adulte réintègre la matrice, s’engouffre dans des vagins gigantesques, tel celui de Niki de Saint-Phalle où, en 1930, les gens entrent à la file indienne. Plus insidieusement, dans Alice aux pays des merveilles, la petite fille prend la dimension voulue pour s’introduire « dans la petite porte dans le joli jardin » ;(26) certaines personnes y voient le pénis qui se dresse et pénètre le vagin.

La vulve peut être aussi la négation de l’esprit, quand le monde, la chair et le diable se ramassent tous trois dans la vulve qui devient alors « le tombeau de l’Esprit même et l’homme y laissera souvent la tête(27). » Mais l’érotisme se vit aussi dans l’humour :
Elle: Tu regardes mes genoux...
Lui: Oh! tu sais, je suis au-dessus de ça...(28) 
Une jeune fille: Peux-tu me tatouer un chat sur mon genou ?
L’artiste: J’ai mieux que ça... les tatouages de girafes sont en réduction cette semaine...(29)

– Sais-tu où, quand et qui a inventé la comptabilité ?
– !?
– Ça a été inventé dans le paradis terrestre, quand Adam a dit à Ève: Tourne la feuille, je veux faire une entrée !(30)

Selon Aristote, la nature des menstrues appartient au domaine de la matière première.(31) Chose certaine, le sang fait partie de la vie de la femme,(32) et même de son destin : sang des règles, sang des noces ou de la défloration, sang des couches.(33) Même si le sang des menstruations représente environ 30 à 50 grammes de sang en moyenne, rien ne se remarque plus que le sang sur un linge ou une serviette. Ne dit-on pas d’une femme menstruée qu’elle marque ?(34)

Les premières menstrues sont importantes. Chez les Zoulous, si l’événement se produit dans la journée, la jeune fille se cache parmi les buissons qui bordent le fleuve jusqu’au soir, évitant ainsi que les rayons du soleil ne la réduisent à l’état de squelette.(35) L’habitude de conserver des serviettes hygiéniques souillées viendrait du désir de garder la preuve de l’atteinte de la maturité sexuelle.(36) Dans la pièce de théâtre Top Girls, deux jeunes filles – Kit, douze ans et Angie, seize ans – goûtent leur sang :
Angie: – T’as peur du sang. 
Kit glisse sa main sous sa robe et l’en tire avec du sang sur un doigt
Kit: – Tiens, tu vois, j’ai mon sang à moi aussi, na!
Angie saisit la main de Kit et lèche son doigt.
Angie: – Et voilà, maintenant je suis un cannibale. J’pourrais bien me transformer en vampire maintenant.(37)
Les aspects négatifs des menstruations sont nombreux et font surtout appel au mauvais sort. Pline évoque « les miroirs qui se ternissent quand une femme réglée s’y mire(38). » Georges Bataille associe la lune « au sang des mères, aux menstrues à l’odeur écoeurante(39). » Dans certaines régions d’Afrique, les femmes menstruées sont souvent porteuses d’un pouvoir maléfique et par conséquent plusieurs actions leurs sont interdites, entre autres la cueillette des fruits et des légumes.(40) Dans la Bible, par peur de nommer la chose qui répugne ou inquiète, une femme dit : « Je suis indisposée comme il arrive aux femmes » (Gn 31,35). Il n’y a pas d’ambiguïté : « Elle sera impure comme au temps de son indisposition menstruelle » (Lv 12,2) ; « Après s’être purifiée de sa souillure... » (2Sa 11,4) ; « La femme qu’aura un flux, un flux de sang en sa chair, restera sept jours dans son impureté » (Lv 15,19) ; « Une femme affligée d’une perte de sang » (Luc 8,43), etc.

Heureusement, il existe des aspects positifs liés aux menstruations. Ils font appel aux pouvoirs magiques, à cause, entre autres, du cycle régulier de vingt-huit jours, de même durée que celui de la lune.(41) Selon Jovette Marchessault, le sang des femmes est augure, génie pur, force créatrice.(42) Certaines filles désirent que les garçons sachent qu’elles ont leurs règles, croyant que celles‑ci leur confèrent un pouvoir sur eux.(43) Selon Yvonne Knibiehler, pour les jeunes filles vivant à la campagne, les règles compteraient plus que la virginité.

Un homme offre-t-il des fleurs à une femme avec l’intention de la déflorer ? Chez la femme, la membrane du vagin, l’hymen,(44) rend sa destinée à un âge quelconque de la vie, avec ou sans partenaire sexuel ; cette défloraison est parfois le signe trompeur qu’une fille n’est plus vierge, alors qu’elle n’a jamais connu la pénétration. Dans certaines civilisations modernes, le seul fait de caresser les organes génitaux féminins confirme la perte de virginité, la fille devenant impure par le seul fait de s’être mis en danger d’être déflorée. Après cette rupture symbolique et parfois douloureuse, et même si rien ne paraît à l’extérieur, que tout est intérieur, secret, c’est un renouveau qui s’ancre pour toujours dans le sexe de la fille et la fait femme. C’est le bas du corps ouvert au passage de l’être, dans un sens comme dans l’autre.

De mœurs en coutumes, de menaces en dédain, la grande question existentielle sur la virginité et le moment propice pour la laisser aller a toujours fait hésiter la femme à se lancer dans l’aventure. Déflorer une vierge, c’est défoncer le croquant ou la pastille, briser la tirelire, ouvrir le sceau. La littérature semble d’ailleurs très apte à décrire vite et bien ce passage à l’âge adulte, sexuellement parlant : « Pierre déposa sa semence dans mon vase de vestale, en le fracturant peut-être mais sans le casser(45). » Le passage suivant est plus explicite et montre à quel point il n’y a pas trente-six méthodes pour y parvenir :

Claude appuyait toujours sa verge à l’entrée de la petite grotte d’amour [...] alors sentant le gland pénétrer dans l’étroite ouverture , enserrant son amie dans ses deux bras et collant ses lèvres sur sa bouche brûlante, il appuya fortement, brisa d’un coup de reins la frêle barrière de la virginité et pénétra jusqu’au fond du temple d’amour. Claire, surprise de ressentir tout à coup une vive douleur, poussa un cri à peine étouffé par les lèvres de son amant [...] elle sentait une cuisson intense...(46)

Quand le dépucelage est forcé, c’est le viol, intolérable lorsque initiatique, parce qu’il se grave plus profondément dans la mémoire et le corps, comme l’étain liquide dans le ventre : « Tu es fille même s’ils t’ont dépucelée, sodomisée, foutue en con comme en bouche, polluée, polluant... souviens-toi... jamais consentante mais violée... »(47)

Certaines femmes, malgré leur désir, restent hésitantes face à cette rupture qui ouvrira leur corps par l’intromission d’une autre chair. Capricieuses ou timides, elles cherchent avant tout à ne pas manquer leur coup. Si elles attendent trop, elles se retrouvent vieilles filles. Le jugement des pairs voit parfois d’un mauvais œil la femme qui n’a pas enfanté, ou du moins qui n’a pas connu l’homme, telle Chioné : « La rumeur publique prétend, Chioné, que tu n’as jamais été besognée et qu’il n’est rien au monde de plus immaculé que ton vagin(48). » Aujourd’hui, la détresse pressentie par Baudelaire est encore palpable chez certaines femmes délaissées et les filles laides : « Les filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses, / Caressent les fruits mûrs de leur nubilité. »(49)

Toutes les femmes se demandent‑elles, comme Claudia de Lys: « To be or not to be a virgin » ?(50) Combien y a-t-il de terre dans une femme ? Pour des garçons âgés d’une dizaine d’années, et au-delà du pli du genou, il est normal de s’esclaffer : « Assez pour planter une graine », plus pour le sujet grivois que pour le fin fond de l’histoire. Hésiode déclarait, il y a plus de 2 500 ans : « Je hais la femme coureuse ainsi que le libertin qui veut labourer la terre d’autrui(51). » Catulle s’exclamait, en montrant la femme libertine : « qu’en dire, sinon qu’elle est digne / D’être lécheuse de cul pour un bourreau nauséeux(52). » Il a d’ailleurs une conception personnelle de la virginité : « Toute ta virginité n’est pas uniquement tienne: Elle est un tiers à ton père, un autre tiers à ta mère, / Seul le troisième tiers est à toi, mais pas les deux autres, / Et tes parents ont cédé leurs droits et la dot à leur gendre. »(53) Pourtant, les hommes ne donnent pas leur place à ce sujet, que l’on pense aux plus grands harems : 450 femmes pour un sultan, en Turquie et 9 000 épouses et concubines pour le roi Mongut du Siam. Même Salomon, qui aima beaucoup de femmes étrangères, « eut sept cents épouses de rang princier et trois cents concubines(54). » Cependant, certains n’étaient pas d’accord : « la folie de ce Roy ƒi ƒage qui s’eƒt proƒtitué à des femmes idolâtres, & qui a ƒoüillé ƒa premiere gloire par une tache ƒi honteuƒe(55). » Alors, Salomon eut-il raison de dire, comme se le demande le dominicain Nider, dans son Formicarius : « La femme belle et folle est un anneau d’or au groin d’un porc. Sa langue est douce comme l’huile, mais par en bas, ce n’est qu’absinthe(56). »

Dans ce sonnet, Ronsard parle d’une vierge couchée seule dans son lit :
Desja la Lune est couchée
La poussiniere(57) est cachée,
Et ja la my-nuit brunette
Vers l’Aurore s’est panchée,
Et je dors au lict seulette.(58)
« Les vierges ! clame le père Ambroise, ornements de la grâce spirituelle, natures privilégiées, admirables chefs-d’œuvre d’honneur et d’intégrité, images de Dieu où se réfléchit la sainteté du Seigneur, portion la plus illustre du troupeau de Jésus-Christ(59). » Jésus naît d’une femme, mais d’une femme « en qui le fruit de la fécondité ne fait pas tomber la fleur de la virginité(60) » L’état virginal est le non manifesté, le non révélé,(61) la blancheur, même pour la Vierge-Marie. Les Anciens vénéraient aussi l’hymen, jusques au-delà de la mort, « lorsque le tertre élevé, amoncelé sur ses cendres / Va recevoir la vierge immolée au corps comme neige(62). » L’Église préconise donc, voire exige l’abstinence totale, afin de multiplier les vierges, car seule une âme blanche est prête à recevoir la semence divine.(63)

Il y a celles qui, trop sages souvent, veulent rester vierges dans leur jeune âge, et qui, en jouant aux fesses, demeurent très prudentes: « Quand mon pénis s’égarait et appuyait sur l’hymen, Sarah, avec sa main, retirait de cet endroit fragile l’organe dangereux »(64) Il y a celles qui en souffrent, comme le montre cette phrase tirée d’une chanson populaire très explicite :
C’était une pauvre vieille
qui voulait parcer sa barrique
mais elle n’avait pas d’perçoir(65)
Par contre, il y a les femmes qui, n’ayant pas d’autres choix, acceptent malgré elles leur virginité, mais avec, au fond des entrailles, un regret palpable, intensément exprimé dans cet extrait de Hérodiade, de Mallarmé :
J’aime l’horreur d’être vierge et je veux
Vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé sentir en la chair inutile
Le froid scintillement de ta pâle clarté,
Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté,
Nuit blanche de glaçons et de neige cruelle!(66)
Il reste heureusement l’humour, pour les hommes qui sont à l’extérieur du problème, qui n’en connaissent pas l’angoisse, ou pour les femmes qui acceptent leur état comme la délivrance d’un quelconque esclavage, ou qui vivraient le dépucelage comme une perte, comme le sous-entend cette épitaphe sur la tombe d’une vieille fille : « Qui a dit qu’on ne pouvait rien emporter avec soi ?(67) » D’autres se demandent, en chantant, si la fille est vierge, comme dans cette étrange chanson initiatique où l’invitation au dépucelage est à peine déguisée :
L’as-tu fait, ti’fille lon, l’as-tu fait mouiller,
L’as-tu fait, ti’fill’, yé, yé,
Rigodé, rigodon, rigodaine.
Touchez haut, touchez bas, touchez-y, touchez-y pas;
Laissez ça là, m’man veut pas,
Pis l’bonhomm’ el sauras pas.
Et pis tape à la bizoun’,
Et pis tape encore, et pis tapoch’ toujours.(68)
Depuis longtemps, la morale flétrit le vagin, mais encense l’hymen avec l’utérus. Albert Caraco constate, dans les années soixante, que « nous tombons à genoux devant une membrane, un ventre nous prosterne, s’il est plein, mais le fourreau nous l’avons rejeté dans les ténèbres extérieures(69). » Il est quand même permis de souhaiter que le vagin soit « l’objet de notre préférence, les femmes nos égales, les vierges sans crédit, les mères sans empire(70). »

La peur d’engendrer a toujours existé, entre autres au pieux XVIIe siècle où la stérilité va toujours croissant, « spécialement dans les familles rangées, réglées à la stricte mesure du confessionnal(71). » Ce qui amena parfois la décroissance démographique. En ce qui regarde la contraception, il y a des questions à se poser, sur l’origine du diaphragme par exemple. Ce moyen mécanique d’empêchement de la famille viendrait des caravanes, puisque les nomades plaçaient au fond de l’utérus des chamelles des galets pour empêcher leur fécondation. Donc, un diaphragme devait être placé dans le vagin des Égyptiennes, il y a plus de 2 000 ans ! (72) Gabriele Falloppio, cet anatomiste italien du 16e siècle, amateur de canaux, d’ovaires et de pénis à petit ruban rose, est le père matériel du préservatif contre les maladies vénériennes(73) et père spirituel de ce qui deviendra le condom tant porté aujourd’hui, ayant repris sa raison d’être première, c’est-à-dire la protection contre les maladies sexuellement transmises. Il y a aussi la pilule. Ici, une nouvelle mariée se plaint à son médecin des pilules qu’il lui a prescrites:
– Quel est le problème ? demande le médecin.
– Elles ne doivent pas être de la bonne grandeur, elles ne font que tomber!(74)
L’onanisme est une autre méthode de contraception. Nous la devons à Onan qui se souillait à terre (Genèse 38‑8,9) pour ne pas donner une descendance à son frère. En fait, onanisme pourrait vouloir dire interruption volontaire de grossesse. Ainsi, depuis toujours, certaines femmes se bornent à masturber leur partenaire ou terminent le rapport en le faisant éjaculer dans leur main, ce qui leur permet de calmer partiellement leur besoin de sexualité « avec la certitude absolue et visuelle de ne pas courir de risques de grossesse(75). »

En ce qui concerne la stérilité – le corps obstrué – tous les moyens sont bons pour y remédier, dont celui concernant le grand saint libérateur, Saint-Léonard de Noblat : pendant des siècles, les femmes sont venues manier le verrou de l’église « espérant par ce geste symbolique ouvrir leur corps au germe d’enfant, obtenir enfin un rejeton(76). »

Pour la frigidité, si mal connue, il y a cette réflexion : « En fait, la femme dite frigide est le plus souvent une belle au bois dormant dont l’érotisme en sommeil n’a éclos ni dans l’esprit ni dans le corps(77). »

––––––

1 VOLTAIRE. Dictionnaire de la pensée de Voltaire par lui-même, Bruxelles, Complexe, 1994, p. 1269.

2 Entre autre une Figure emblématique au XVIe siècle.

3 TRIMMER, Eric J. Encyclopédie du sexe, Paris, A. Michel, 1979, p. 127.

4 GRAINVILLE, Patrick. Les flamboyants, Paris, éditions du Seuil, 1976, p. 121.

5 VERLAINE, Paul. Parallèlement, Paris, Calmann-lévy, 1922, p. 14.

6 CHEVALIER, Jean et GHEERBRANT, Alain. Dictionnaire des symboles : mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, Figures, couleurs, nombres, Paris, P. Seghers, 1973-1974, p. 410.

7 Tant de liquides s’écoulent de la vulve : le liquide amniotique, le sang des menstrues, l’urine.

8 RICHELET, Pierre. Dictionnaire de la langue françoise, ancienne et moderne (...), Paris, La compagnie, 1769, p. 493.

9 ZOLA, Emile. Nana, Lausanne, Rencontre, 1960, v. 9, p. 56.

10 ERLICH, Michel. Les mutilations sexuelles, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je? », 1991, p. 21.

11 RACHEWILTZ, Boris de. Op. cit., p. 120.

12 ERLICH, Michel. Op. cit., p. 25.

13 Idem., p. 22.

14 BETTELHEIM, Bruno. Les blessures symboliques : essai d’interprétation des rites d’initiation, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l’inconscient », 1971, p. 34.

15 CARTER, Angela. La passion de l’Ève nouvelle, Paris, éditions du Seuil, 1982,  p. 88.

16 KANT, Emmanuel. Doctrine du droit, Paris, J. Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », 1971, p. 157.

17 AUFFRET, Sévérine. Des couteaux contre des femmes, Paris, Des femmes, 1982, p. 16.

18 RACHEWILTZ, Boris de. Op. cit., p. 279.

19 ERLICH, Michel. Op. cit., p. 71.

20 Anonyme. Séduction - jeunes amours, Montréal, coll. « classique », p. 61.

21 EBERHARD, Wolfram. Op. cit., p. 128.

22 CATULLE. Le livre de Catulle, Lausanne, L’Âge d’homme, coll. « Les grands poèmes du monde », c1985, p. 83.

23 MONTHERLANT, Henry de. Carnets : années de 1930 à 1944, Paris, Gallimard, Nrf, c1957, p. 136.

24 MARTIAL. Épigrammes. Tome 1, p. 214.

25 CORRIVEAU, Hugues. La maison rouge du bord de mer, Montréal, XYZ, 1992, p. 105.

26 PAUVERT, Mathias. Amour, sexe : le bouquin, Paris, Les Belles Lettres, 1993, p. 295.

27 CARACO, Albert. La luxure et la mort : relations de l’ordre et de la sexualité, Lausanne, L’Âge d’homme, 1968, p. 87.

28 LATULIPPE, Gilles. Op. cit., p. 100.

29 Idem., p. 113.

30 Idem., p. 14.

31 IRIGARAY, Luce. Speculum de l’autre femme, Paris, éditions de Minuit, coll. « Critique », p. 200.

32 Même qu’un certain Sinibaldi se demandait si la Sainte-Vierge avait ses règles.

33 COMFORT, Alex. L’origine des obsessions sexuelles, Verviers, Gérard, coll. « Marabout université », 1967, p. 32.

34 GÉLIS, Jacques. L’Arbre et le fruit : la naissance dans l’occident moderne: (XVIe-XIXe siècle), Paris, A. Fayard, 1984, p. 32.

35 RACHEWILTZ, Boris de. Op. cit., p. 153.

36 BETTELHEIM, Bruno. Les blessures symboliques : essai d’interprétation des rites d’initiation, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l’inconscient », 1971, p. 61.

37 CHURCHILL, Caryl. Septième ciel, Paris, L’Arche, coll. « Scène ouverte », 1992, p. 51.

38 PAUVERT, Mathias. Amour, sexe : le bouquin, Paris, Les Belles Lettres, 1993, p. 225.

39 BATAILLE, Georges. Histoire de l’œil, Paris, J.-J. Pauvert, 1967, p. 57.

40 Il semble, en effet, que la menotoxine contenue dans le sérum du sang menstruel ait le pouvoir d’empêcher le développement des graines de nombreuses plantes et la fermentation du levain. RACHEWILTZ, Boris de. Op. cit., pp 153 et 162.

41 RACHEWILTZ, Boris de. Idem., p. 145.

42 MARCHESSAULT, Jovette. La saga des poules mouillées, Montréal, La Pleine Lune, coll. « Théâtre », 1981, p. 84.

43 BETTELHEIM, Bruno. Les blessures symboliques : essai d’interprétation des rites d’initiation, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l’inconscient », 1971, p. 31.

44 Plus techniquement, « l’Hymen protège les organes féminins, et leur permet de se développer à l’abri de l’extérieur, pendant les années de formation : PUBERTE, JEUNESSE. Il n’entrave pas l’écoulement du sang des règles. » BERGERON, Gérard et autres. Amour sans carré blanc, Paris, Resma-Sedim, 1970, c1968, p. 25.

45 BROSSARD-LE GRAND, Monique. Le sein : ou La vie des femmes, Paris, Renaudot et Cie, 1989, p. 62.

46 Anonyme, Séduction - jeunes amours, Montréal, coll. « classique », p. 94.

47 CAPELLE. Anne. La ténèbre, Paris, Actes Sud-Papiers, coll. « Actes Sud-Papiers », 1988, pp. 41 et 45.

48 MARTIAL. Épigrammes, Tome 1, p. 110.

49 BAUDELAIRE, Charles. Les fleurs du mal, Paris, Gallimard, coll. « Le Livre de poche », 1966, c1964, p. 159.

50 LYS, Claudia de. To be or not to be a virgin, New-York, Speller, c1960.

51 BERGOUGNAN, Elie. Hésiode et les poètes élégiaques et moralistes de la Grèce, Paris, Garnier, coll. « Classiques Garnier », 1940, p. 179.

52 CATULLE. Le livre de Catulle, Lausanne, L’Âge d’homme, coll. « Les grands poèmes du monde », c1985, p. 83.

53 Idem., p. 57.

54 GAUBERT, Henri. Salomon le magnifique, Paris, Mame, coll. « La Bible dans l’histoire », 1966, p. 244.

55 L’Ecclésiastique : traduit en françois, avec une explication tirée des saints pères & des auteurs ecclésiastiques, Paris, G. Desprez, 1797, p. 599.

56 MICHELET, Jules. La sorcière, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 301.

57 La Constellation des Pléiades.

58 RONSARD, Pierre de. Œuvres complètes V. 1, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1958, c1950, p 342.

59 AMBROISE, Père. Soyez bénies, Montréal, Librairie Saint-François, c1937, p. 9.

60 BERNARD, de Clairveaux, Saint. Saint Bernard et le mystère du Christ dans le cadre de l’année liturgique, Saint-Foy, Anne Sigier, coll. « Pain de Cîteaux », 1991, p. 33.

61 CHEVALIER, Jean et GHEERBRANT, Alain. Op. cit., p. 398.

62 CATULLE. Le livre de Catulle, Lausanne, L’Äge d’homme, coll. « Les grands poèmes du monde », c1985, p. 67.

63 CHEVALIER, Jean et GHEERBRANT, Alain. Op. cit., p. 398.

64 ANONYME. Confession sexuelle d’un anonyme russe, Paris, Allia, 1944, p. 64.

65 JULIEN, Jacques. La turlute amoureuse: érotisme de la chanson traditionnelle, Montréal, Triptyque, 1990, p. 68.

66 MALLARMÉ, Stéphane. Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1945, p. 47.

67 LATULIPPE, Gilles. Une p’tite vite !, Montréal, Les éditions de l’homme, 1970, 72p 47]

68 YOUNG, Russell Scott. Vieilles chansons de Nouvelle-France, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, coll. « Les archives de folklore », 1956, p. 17.

69 CARACO, Albert. La luxure et la mort: relations de l’ordre et de la sexualité, Lausanne, L’Äge d’homme, 1968, p. 28.

70 Idem., p. 28.

71 MICHELET, Jules. Op. cit., pp 220 et 221.

72 BALOUET, Jean-Christophe. Histoires insolites de la reproduction, Paris, J. Legrand, c1991, p. 63.

73 Que porta précautionneusement Charles II, mais non comme contraceptif !

74 LATULIPPE, Gilles. Une p’tite vite !, Montréal, Les éditions de l’homme, 1970, p. 125.

75 HERMANN, Pierre. Le dictionnaire des mots tabous, Alleur, Belgique, Marabout, coll. « Marabout service », 1988, p. 247.

76 GÉLIS, Jacques. L’Arbre et le fruit : la naissance dans l’occident moderne: (XVIe-XIXe siècle), Paris, A. Fayard, 1984, p. 55.

77 ALBRAND, Louis. La médecine du désir, Paris, Nouvel Objet, 1992, p. 141.

Photos: Pierre Rousseau - © 2019
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