mercredi 24 avril 2019

Sans queue ni tête - Extrait 4 - Histoires d'hier ?

Sans queues ni têtes (Pierre Rousseau, 1974) est une (brève) tentative d'écriture spontanée... pas très réussie, je dois l'avouer. Voici donc un quatrième court extrait de ces propos décousus:


23 août 1974

HISTOIRES D’HIER ?

Des dinosaures galopent dans le creux de ma main ouverte. Ils sont issus d’un poisson-amphibien hermaphrodite qui ne parlait ni français ni anglais. J’ai souvent rêvé – et rêve encore – de voy­ager dans une machine à la HG Wells à travers le temps et de tomber, comme un ange tombe du ciel, dans la jungle préhistorique, sous un soleil de plomb brûlant comme une torche à acétylène, d’étouf­fer dans l’air hyperchargé d’humidité, entouré de plantes énormes et plus que vertes, tandis que des insectes monstrueux crisseraient à mes oreilles déployées. Les ptérodactyles m’offriraient d’énormes cadeaux nauséabonds sur ma tête échevelée tandis que les énormes repti­les croiseraient nonchalamment mon chemin.

Mais je pense aujourd’hui que si ce rêve préhystérique se réalisait, j’aurais une sacrée frousse et la machine à la renverse me ramènerait promptement dans mon chaud lit douillet qu’on appelle civilisation évoluée. Néanmoins, le rêve étant le passe-temps le plus économique pour le simple d’esprit et d’argent, je l’utilise fréquemment pour les longs trajets que je ne pourrais me payer au­trement.

L’univers est grand, plus grand que mes cinq pieds dix pou­ces et un peu plus pesant que mes 150 livres. J’en fais cependant intégralement partie – tout un honneur – et ma présence influence grandement la balance de la matière. Bien avant que les bestioles préhistoriques n’ébranlent la terre, il y avait des étoiles qui déferlaient en torrent dans un vide spatial qu’elles emplirent assez rapidement (quelques milliards d’années, environ le temps d’attente d’un autobus de la CTCUM par un matin d’hiver). Cependant, le temps passait trop vite pour le créateur, et comme divertissement il inventa – être diabolique – une planète TERRE-ible sur laquelle il sema aux quatre vents des graines de toutes sortes de la plus pe­tite à la plus grosse, de la plus ronde à la plus plate. Et comme un lâcheur, il laissa le fouillis s’implanter dans ce monde, véritable bordel d’actions et de réactions.

Le zoo grandit et se diversifia jusqu’au jour où un grand singe, initié d’une manière inconnu, décida de prendre la présidence de cette fête colossale, mais anarchique, et d’y mettre un peu d’or­dre. Il le nomma le plus intelligent des animaux et agit de la sorte sans jamais nier sa pensée première: être un humain. Sa tâche fut grande, difficile, presque insurmontable. Il parvint cependant à évoluer (aider discrètement par le créa­teur, Dieu, qui comme un boss, un bon boss, surveillait ses intérêts et protégeait ses meilleurs travailleurs ouvriers employés (dixit La Bible).

Les hommes se dispersèrent sur la terre, se séparèrent, fondèrent des villes, des pays. Firent la guerre quelques fois, inventèrent des choses diverses. La surface de la Terre se modifiait lentement. Les hommes devenaient de plus en plus nombreux. Ils créèrent les sept merveilles du monde, les premières et les dernières. Ils bâtirent des pyramides en Chéops, genre de pi­erres qu'ils trouvaient en abondance dans la région, près du Nul, puis il y eut un christ qui bouleversa un peu leurs idées et dont le SEIN-bole éclabousse encore aujourd’hui les hommes qui visitent les lieux saints à travers le monde.

L’antiquité dévastée par l’avènement de l’an zéro fut suivit de l’âge moyen où les hommes, pour se protéger des attaques extérieures des mauvais esprits, s’habillèrent de métal dur qui moulait assez fidèlement leurs formes afin que les autres puissent bien voir qu’ils étaient des humains et ne pas les prendre ainsi pour des animaux. Puis la renaissance vint, entre quelques guerres. On tenta une deuxième naissance de tout de rien, avec quelques réussites qui permirent aux temps modernes d’apparaître, avec son déferlement d’inventions et de découvertes qui permirent à l’homme de mieux exister en vivant moins.

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Et puis je naquis, événement très important dans ma vie. Tous ces milliers d'années, tous ces événements précités s’étaient produits pour que moi, je puisse venir au monde. J’étais l’aboutissement de siècles de travail acharné de milliards d’hommes et de femmes. Et je suis là, flamboyant de vie et d’atomes vieux de milliards d’années ayant peut-être traversé des espaces intersi­déraux pour venir spécialement formé une partie de mon corps. J’eus du mal à rester petit malgré mon désir de ne jamais dépasser l’âge de dix, le plus bel âge. Mais après, on s’y fait. La préadolescence est plaisante, quoique frustrante au point de vue de l’école. Heureusement, il y a l’adolescence, époque sublime dans son déferlement de boutons et de poils, et de timidité dont m’affubla une nature intéressée à protéger son environnement devant un être – moi – doué d’une énergie exploratrice et psychique capable de mettre à nue les vérités les plus chastes. L’adolescence se passa donc dans heurt ni anicroche, dans l’ombre de mon ta­lent latent. Puis vint un âge où l’adulte nous regarde de haut et les jeunes d’en bas, trop grand et trop petit. Top grand pour jouer aux fesses et trop petits pour faire l’amour. Un équi­libre que j’aimais parce que mon talent de caméléon-camoufflard-déguiseur me permettait d’être tantôt petit garçon enfantin, et tantôt un adulte novice évidemment. Aujourd’hui encore, je peux jouer le jeu pour mon plaisir et pour ceux qui me comprennent. Et j’espère qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin des nuits.

Il y eut le temps des amours – temps difficiles et laborieux –, mais qui sont les meilleurs outils pour façonner un homme en humain et ainsi lui permettre de vivre et non d’exister.

Aujourd’hui, je suis entre hier et demain. Et j’arrête ici le passé qui devient insolemment le présent.
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