vendredi 24 janvier 2020

Horreur et fantastique - Les chants de Maldoror

Livre lu le 11 mars 1979:

Œuvres complètes :
Les chants de Maldoror et Poésies

Lautréamont

Garnier-Flammarion 208, 1969.


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Voici les passages que j'avais soulignés:

CHANT PREMIER

(...) des yeux qui renferment l’expérience (...) 46

Moi, je fais servir mon génie à peindre les délices de la cruauté ! 47

Pardon, il me semblait que mes cheveux s’étaient dressés sur ma tête ; mais, ce n’est rien, car, avec ma main, je suis parvenu facilement à les remettre dans leur première position. 47

Dieu, qui l’as créé avec magnificence, c’est toi que j’invoque : montre-moi un homme qui soit bon !… 49

Oh ! comme il est doux d’arracher brutalement de son lit un enfant qui n’a rien encore sur la lèvre supérieure, (...) 49

Je suis fils de l’homme et de la femme, d’après ce qu’on m’a dit. Ça m’étonne… je croyais être davantage ! 54

Cependant, l’homme s’est cru beau dans tous les siècles. Moi, je suppose plutôt que l’homme ne croit à sa beauté que par amour-propre ; mais, qu’il n’est pas beau réellement et qu’il s’en doute ; car, pourquoi regarde-t-il la figure de son semblable avec tant de mépris ? 56

Tu n’es pas comme l’homme qui s’arrête dans la rue, pour voir deux boule-dogues s’empoigner au cou, mais, qui ne s’arrête pas, quand un enterrement passe ; 57

L’homme se vante sans cesse, et pour des minuties. 57

(...)  chaque homme vit comme un sauvage dans sa tanière, (...) 57

La grande famille universelle des humains est une utopie digne de la logique la plus médiocre. 57

Qu’elle se gonfle tant qu’elle voudra, cette adorable grenouille. 58

(...) le fiel que distille la critique sur les beaux-arts, sur les sciences, sur tout. 58

Souvent, je me suis demandé quelle chose était le plus facile à reconnaître : la profondeur de l’océan ou la profondeur du cœur humain ! 58

Qui comprendra pourquoi deux amants qui s’idolâtraient la veille, pour un mot mal interprété, s’écartent, l’un vers l’orient, l’autre vers l’occident, avec les aiguillons de la haine, de la vengeance, de l’amour et du remords, et ne se revoient plus, chacun drapé dans sa fierté solitaire. 59

(...) c’est du bruit fait exprès pour anéantir quelques secondes. 60

Tu es plus beau que la nuit. 61 Dans la marge: un X

61 Dans la marge: const. (probablement pour contraste) :  Oh ! quand tu t’avances, la crête haute et terrible, entouré de tes replis tortueux comme d’une cour, magnétiseur et farouche, roulant tes ondes les unes sur les autres, avec la conscience de ce que tu es, pendant que tu pousses, des profondeurs de ta poitrine, comme accablé d’un remords intense que je ne puis pas découvrir, ce sourd mugissement perpétuel que les hommes redoutent tant, même quand ils te contemplent, en sûreté, tremblants sur le rivage, alors, je vois qu’il ne m’appartient pas, le droit insigne de me dire ton égal. 
(...) je ne puis pas t’aimer, je te déteste. 61

(...) je me réjouirais de savoir l’enfer si près de l’homme. 61

Qui que vous soyez, éloignez-vous ; mais, si vous croyez apercevoir quelque marque de douleur ou de crainte sur mon visage d’hyène (j’use de cette comparaison, quoique l’hyène soit plus belle que moi, et plus agréable à voir), soyez détrompé : qu’il s’approche. 62

« Oui, je vous surpasse tous par ma cruauté innée, cruauté qu’il n’a pas dépendu de moi d’effacer. (...) » 62

Le mal que vous m’avez fait est trop grand, trop grand le mal que je vous ai fait, pour qu’il soit volontaire. 63

Si c’était lui qui eût dû préparer la corde, il aurait fait des entailles en plusieurs endroits, afin qu’elle se coupât, et précipitât le chasseur dans la mer ! 69

(...) la réalité est trois fois pire que le rêve. 70

(...) toutes ces tombes, qui sont éparses dans un cimetière, comme les fleurs dans une prairie, comparaison qui manque de vérité, sont dignes d’être mesurées avec le compas serein du philosophe. 71 

Dans la marge: style
(...) c’est quelqu’un qui a des chagrins épouvantables. Que le ciel m’ôte la pensée de l’interroger. Je préfère rester dans l’incertitude, tant il m’inspire de la pitié. Puis, il ne voudrait pas me répondre, cela est certain : c’est souffrir deux fois que de communiquer son cœur en cet état anormal. 73

Qu’il est beau ! Ça me fait de la peine de te le dire. Tu dois être puissant ; car, tu as une figure plus qu’humaine, triste comme l’univers, belle comme le suicide. 75



CHANT DEUXIÈME

Ô être humain ! te voilà, maintenant, nu comme un ver, en présence de mon glaive de diamant ! 82

le secret de notre destinée en haillons ne nous est pas divulgué. 83

(...) si c’est là vraiment ce qu’on appelle la charité humaine. 88

Il se démène, mais en vain, dans le siècle où il a été jeté ; il sent qu’il n’y est pas à sa place, et cependant il ne peut en sortir. 88

Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l’homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Les volumes s’entasseront sur les volumes, jusqu’à la fin de ma vie, et, cependant, l’on n’y verra que cette seule idée, toujours présente à ma conscience ! 89

Moi, être assez généreux pour aimer mes semblables ! Non, non ! Je l’ai résolu depuis le jour de ma naissance ! Ils ne m’aiment pas, eux ! 91

Après ta mort, tu ne seras pas récompensé d’après tes mérites ; car, si l’on te commet des injustices sur cette terre (comme tu l’éprouveras, par expérience, plus tard), il n’y a pas de raison pour que, dans l’autre vie, on ne t’en commette non plus. 92

Chacun doit se faire justice lui-même, sinon il n’est qu’un imbécile. Celui qui remporte la victoire sur ses semblables, celui-là est le plus rusé et le plus fort. Est-ce que tu ne voudrais pas un jour dominer tes semblables ? 93

mes yeux spleenétiques. 99

Ne trouvant pas ce que je cherchais, je soulevai la paupière effarée plus haut, plus haut encore, jusqu’à ce que j’aperçusse un trône, formé d’excréments humains et d’or, sur lequel trônait, avec un orgueil idiot, le corps recouvert d’un linceul fait avec des draps non lavés d’hôpital, celui qui s’intitule lui-même le Créateur ! 99

N’importe, je suis déjà content de la quantité de mal qu’il te fait, ô race humaine ; seulement, je voudrais qu’il t’en fît davantage. 103

Arithmétique ! algèbre ! géométrie ! trinité grandiose ! triangle lumineux ! 107

Vos pyramides modestes dureront davantage que les pyramides d’Égypte, fourmilières élevées par la stupidité et l’esclavage. 109

(...) se demande s’il aurait dû suivre la route du mal, comme il l’a fait. Le trouble est passé ; il persévère dans sa résolution ; 113 Dans la marge: L. hésite

(...)  la bonté n’est qu’un assemblage de syllabes sonores ; je ne l’ai trouvée nulle part. 117

(...) d’un noir presque aussi hideux que le cœur de l’homme. 119

À cette mort, je n’avais même pas l’attrait du danger ; car, la justice humaine, bercée par l’ouragan de cette nuit affreuse, sommeillait dans les maisons, à quelques pas de moi. 122

On a craint de passer pour sensible, et aucun n’a bougé, retranché dans le col de sa chemise. 125

(...) battu par le sourcil de l’écume; 127



CHANT TROISIÈME

(...) des bâtards de l’humanité. 137

(...)  où se démène l’anus constipé des kakatoès humains, (...) 137

Mais, je ne me plaindrai pas. J’ai reçu la vie comme une blessure, et j’ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C’est le châtiment que je lui inflige. 140

(...) la race qui a étendu une domination injuste sur les autres animaux de la création. 142

Ainsi donc, Maldoror, tu as vaincu l’Espérance ! Désormais, le désespoir se nourrira de ta substance la plus pure ! Désormais, tu rentres, à pas délibérés, dans la carrière du mal ! Malgré que je sois, pour ainsi dire, blasé sur la souffrance, le dernier coup que tu as porté au dragon n’a pas manqué de se faire sentir en moi. Juge toi-même si je souffre ! Mais tu me fais peur. Voyez, voyez, dans le lointain, cet homme qui s’enfuit. Sur lui, terre excellente, la malédiction a poussé son feuillage touffu ; il est maudit et il maudit. Où portes-tu tes sandales ? Où t’en vas-tu, hésitant comme un somnambule, au-dessus d’un toit ? Que ta destinée perverse s’accomplisse ! Maldoror, adieu ! Adieu, jusqu’à l’éternité, où nous ne nous retrouverons pas ensemble ! » 147 Dans la marge: Lautréamont

Un corridor sale, qui sentait la cuisse humaine, (...) 150


CHANT QUATRIÈME

Tant l’homme inspire de l’horreur à son propre semblable ! 163

Oh ! ce philosophe insensé qui éclata de rire, en voyant un âne manger une figue !  Je n’invente rien : les livres antiques ont raconté, avec les plus amples détails, ce volontaire et honteux dépouillement de la noblesse humaine. Moi, je ne sais pas rire. Je n’ai jamais pu rire, quoique plusieurs fois j’aie essayé de le faire. C’est très difficile d’apprendre à rire. Ou, plutôt, je crois qu’un sentiment de répugnance à cette monstruosité forme une marque essentielle de mon caractère. Eh bien, j’ai été témoin de quelque chose de plus fort : j’ai vu une figue manger un âne ! Et, cependant, je n’ai pas ri ; franchement, aucune partie buccale n’a remué. 167 Dans la marge: un * au premier soulignement et * au troisième soulignement

(...) les contradictions réelles et inexplicables qui habitent les lobes du cerveau humain. 167

Riez, mais pleurez en même temps. Si vous ne pouvez pleurer par les yeux, pleurez par la bouche. Est-ce encore impossible, urinez ; mais, j’avertis qu’un liquide quelconque est ici nécessaire, pour atténuer la sécheresse que porte, dans ses flancs, le rire, aux traits fendus en arrière. 168

Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. 175

Une vipère méchante a dévoré ma verge et a pris sa place : elle m’a rendu eunuque, cette infâme. 176

Ils ne savaient pas que le mal qu’a fait l’homme ne peut plus se défaire ! 176

La haine est plus bizarre que tu ne le penses ; sa conduite est inexplicable, comme l’apparence brisée d’un bâton enfoncé dans l’eau. 177

(...) réfléchis au sort fatal qui m’a conduit à la révolte, quand peut-être j’étais né bon ! 177

Objet de mes vœux, je n’appartenais plus à l’humanité ! 183

(...) prit, un jour, le mirifique plaisir de faire habiter une planète par des êtres singuliers et microscopiques, qu’on appelle humains, et dont la matière ressemble à celle du corail vermeil. 182

(...) les pluies de crapauds, 184


CHANT CINQUIÈME

(...) l’expression parlante des surfaces d’un cube 197 Dans la marge: ?

(...) les rotifères et les tardigrades 197 Dans la marge: ?

Depuis l’imprononçable jour de ma naissance, j’ai voué aux planches somnifères une haine irréconciliable. 204


CHANT SIXIÈME

(...) que je me suis proposé d’attaquer l’homme et Celui qui le créa. 230

Je viens de prouver que rien n’est risible dans cette planète. Planète cocasse, mais superbe. 233


Photos: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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