samedi 23 janvier 2021

Littérature française - Les confessions 1 (Rousseau)

Les confessions 1

Jean-Jacques Rousseau, 

Garnier-Flammarion, Paris, 1968, 181.



Notes et soulignements de lecture

L'argent qu'on possède est l'instrument de la liberté; celui qu'on pourchasse est celui de la servitude. Voilà pourquoi je serre bien et ne convoite rien. 74

[...] et le hasard seconda si bien mon humeur pudique, que j'avais plus de trente ans avant que j'eusse jeté les yeux sur aucun de ces dangereux livres qu'une belle dame de par le monde trouve incommodes, en ce qu'on ne peut, dit-elle, les lire que d'une main. 76

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J'avais donc de la religion tout ce qu'un enfant à l'âge où j'étais en pouvait avoir. J'en avais même davantage, car pourquoi déguiser ici ma pensée? Mon enfance ne fut point d'un enfant; je sentis, je pensai toujours en homme. Ce n'est qu'en grandissant que je suis rentré dans la classe ordinaire; en naissant, j'en étais sorti. L'on rira de me voir me donner modestement pour un prodige. Soit : mais quand on aura bien ri, qu'on trouve un enfant qu'à six ans les romans attachent, intéressent, transportent au point d'en pleurer à chaudes larmes; alors je sentirai ma vanité ridicule, et je conviendrai que j'ai tort. 99

J'allais compter les minutes dans son antichambre, maudissant mille fois ces éternels visiteurs, et ne pouvant concevoir ce qu'ils avaient tant à dire, parce que j'avais à dire encore plus. 145

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Deux choses presque inalliables s'unissent en moi sans que j'en puisse concevoir la manière: un tempérament +

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[...] jamais homme ne fut moins curieux que moi du secret de ses amis; mon cœur, uniquement occupé du présent [...] 167

 Ceux qui liront ceci ne manqueront pas de rire de mes aventures galantes, en remarquant qu'après beaucoup de préliminaires, les plus avancées finissent par baiser la main. O mes lecteurs! ne vous y trompez pas. ]'ai peut-être eu plus de plaisir dans mes amours, en finissant par cette main baisée, que vous n'en aurez jamais dans les vôtres, en commençant tout au moins par là. 177

Des vues éloignées ont rarement assez de force pour me faire agir. L'incertitude de l'avenir m'a toujours fait regarder les projets de longue exécution comme des leurres de dupe. Je me livre à l'espoir comme un autre, pourvu qu'il ne me coûte rien à nourrir; mais, s'il faut prendre longtemps de la peine, je n'en suis plus. Le moindre petit plaisir qui s'offre à portée me tente plus que les joies du Paradis. J'excepte pourtant le plaisir que la peine doit suivre; celui-là ne me tente pas, parce que je n'aime que des jouissances pures, et que jamais on n'en a de telles quand on sait qu'on s'apprête un repentir. 184

Des services plus importants sans doute, mais rendus avec plus d'ostentation, ne m'ont pas paru si dignes de reconnaissance que l'humanité simple et sans éclat de cet honnête homme. 185

Leur race est-elle épuisée? Non, mais l'ordre où j'ai besoin de les chercher aujourd'hui n'est plus le même  où je les trouvais alors. 185

Il me faut absolument un verger au bord de ce lac et non pas d'un autre; il me faut un ami sûr, une femme aimable, une vache et un petit bateau. Je ne jouirai d'un bonheur parfait sur la terre que quand j'aurai tout cela. 190 Dans la marge: 2 traits verticaux

Plus j'ai vu le monde, moins j'ai pu me faire à son ton. 193 Dans la marge: *

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Cependant, quand je passais dans des campagnes agréables, que je voyais des bocages et des ruisseaux, ce touchant aspect me faisait soupirer de regret; je sentais au milieu de ma gloire que mon cœur n'était pas fait pour tant de fracas, et bientôt, sans savoir comment, je me retrouvais au milieu de mes chères bergeries, renonçant pour jamais aux travaux de Mars. 196

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Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans ceux que j'ai faits seul et à pied. La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées : je ne puis presque penser quand je reste en place; il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit. 199

Pourquoi, direz-vous, ne les pas écrire ? Et pourquoi les écrire? vous répondrai-je : pourquoi m'ôter le charme actuel de la jouissance, pour dire à d'autres que j'avais joui? Que m'importaient des lecteurs, un public et toute la terre, tandis que je planais dans le ciel? D'ailleurs, portais-je avec moi du papier, des plumes? Si j'avais pensé à tout cela, rien ne me serait venu. Je ne prévoyais pas que j'aurais des idées; elles viennent quand il leur plaît, non quand il me plaît. Elles ne viennent point, ou elles viennent en foule, elles m'accablent de leur nombre et de leur force. Dix volumes par jour n'auraient pas suffi. Où prendre du temps pour les écrire? En arrivant je ne songeais qu'à bien dîner. En partant je ne songeais qu'à bien marcher. Je sentais qu'un nouveau paradis m'attendait à la porte. Je ne songeais qu'à l'aller chercher. 200

[...] il suffît de savoir qu'après avoir passé presque toute ma vie dans le mal-être, et souvent prêt à manquer de pain, il ne m'est jamais arrivé une seule fois de me faire demander de l'argent par un créancier sans lui en donner à l'instant même. Je n'ai jamais su faire des dettes criardes, et j'ai toujours mieux aimé souffrir que devoir. 205

C'était souffrir assurément que d'être réduit à passer la nuit dans la rue, et c'est ce qui m'est arrivé plusieurs fois à Lyon. ]'aimais mieux employer quelques sols qui me restaient à payer mon pain que mon gîte; parce qu'après tout je risquais moins de mourir de sommeil que de faim. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que dans ce cruel état je n'étais ni inquiet ni triste. Je n'avais pas le moindre souci sur l'avenir, et j'attendais les réponses que devait recevoir Mlle du Châtelet, couchant à la belle étoile, et dormant étendu par terre ou sur un banc aussi tranquillement que sur un lit de roses. 205

Je fis donc très mal en voulant bien faire, et pour aller vite j'allais tout de travers. 207

C'est une chose bien singulière que mon imagination ne se monte jamais plus agréablement que quand mon état est le moins agréable, et qu'au contraire elle est moins riante lorsque tout rit autour de moi. Ma mauvaise tête ne peut s'assujettir aux choses. Elle ne saurait embellir, elle veut créer. Les objets réels s'y peignent tout au plus tels qu'ils sont; elle ne sait parer que les objets imaginaires. Si je veux peindre le printemps, il faut que je sois en hiver; si je veux décrire un beau paysage, faut que je sois dans des murs; et j'ai dit cent fois que si j'étais mis à la Bastille, j'y ferais le tableau de la liberté. 208

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[...] l'inclination y était tout entière. Au milieu de mes crayons et de mes pinceaux, j'aurais passé des mois entiers sans sortir. Cette passion devenant pour moi trop attachante, on était obligé de m'en arracher. 219

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Enfin, tous les plaisants rient, s'ils veulent, mais je soutiens que la seule morale à la portée du présent siècle est la morale du bilboquet. 240

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Numérisation: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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