mercredi 30 janvier 2019

Précis de décomposition - Lettre à Elsa-Marie

Extrait de Précis de décomposition, (Pierre Rousseau, 2000), «Lettre à Elsa-Marie»

Le schizophrène voulait se faire un ami... pour partir en Louisiane. J’ai tracé sur une feuille le chemin à suivre, mais il l’a perdue en cours de route. Deux fois perdu, et il n’a trouvé que «ces non-lieux où on ne conquiert son anonymat qu’en fournissant la preuve de son identité», tel que le dit celui-là. L’anonymat — et ceci est bien — lui a fait oublier un moment son nom, son sexe, son visage, son lieu, son ambition peut-être, toutes ces choses amplement utilisées dans ta société, Elsa-Marie. L’aventure humaine est en elle-même un acte de foi, et elle est sans limites. Mais elle n’est pas sans risque. Tout voyage mène à un cul-de-sac, surtout celui du retour au point de départ, dans la douceur du foyer de la civilisation familiale — quand papa avait raison — ou dans la douceur de Mewar. Même une pente douce s’enfonce quelque part, pour le tourisme doux entre autres, celui qui ne paît pas en argent sonnant et trébuchant — douros, thalers, sesterces ou liards à deux faces —, mais par carte à puces, pour mourir d’ennui, à crédit. (Silence) Même si je le pouvais, je n’irais pas dans les talk-shows, car ils sont bien trop loin de la réalité. D’ailleurs — et d’ici — je ne veux pas faire école ou convaincre. Je dis : pourquoi vivre dans les étoiles et les chiffres alors qu’il y a tant d’enfants à aimer. Pas pour moi, le flagornement.
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