mardi 7 mai 2019

Philosophie - Manuel d'Épictète (Marc-Aurèle)



J'ai lu ce livre le 14 janvier 1980:


Pensées pour moi-même; Manuel d'Épictète

par Marc-Aurèle
Garnier-Flammarion, 1964 ; 16

Voici les notes et soulignements du Manuel d'Épictète:

Il y a des choses qui dépendent de nous; il y en a d’autres qui n’en dépendent pas. Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions : en un mot, toutes les œuvres qui nous appartiennent. Ce qui ne dépend pas de nous, c'est notre corps, c‘est la richesse, la célébrité, le pouvoir; en un mot, toutes les œuvres qui ne nous appartiennent pas. 207

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils portent sur ces choses. 209 - Dans la marge: **

Ne t'enorgueillis d’aucun avantage qui te soit étranger. Si un cheval se vantait en disant : «Je suis beau», ce serait supportable. Mais toi, lorsque tu dis en te vantant : «J’ai un beau cheval», sache que tu t‘enorgueillis d’un avantage qui est à ton cheval. Qu’est-ce donc qui est à toi? L’usage des idées. Lorsque donc tu fais usage des idées conformément à la nature, dès ce moment  enorgueillis-toi, car alors tu t’enorgueillis d’un bien qui est à toi. 210

Commence donc par les petites choses. On laisse couler ton huile, on vole ton vin ? Dis-toi : «C’est à ce prix que se vend l’impassibilité; à ce prix, le calme.» Rien n‘arrive gratis. Lorsque tu appelles ton esclave, pense qu'il peut ne pas avoir entendu, et que, s’il a entendu, il peut ne rien faire de ce que tu veux; mais dis-toi aussi qu’il n’est pas dans un si bel état qu’il dépende de lui de te troubler. 212

Si tu veux que tes enfants, ta femme et tes amis vivent toujours, tu es un sot; tu veux, en effet,  que ce qui ne dépend point de toi en dépende, et que ce qui est à autrui soit à toi. 212b

«Ce qui l’afflige ce n’est point ce qui arrive, car un autre n’en est pas affligé; mais c'est le jugement qu’il porte sur cet événement.» 213

Lorsque donc quelqu’un te met en colère, sache que c'est ton jugement qui te met en colère. Efforce-toi donc avant tout de ne pas te laisser emporter par ton idée; car, si une fois tu gagnes temps et délai, tu deviendras plus facilement maître de toi. 215a

Si tu désires être philosophe, prépare-toi dès lors à être ridiculisé et raillé par la foule qui dira : «Il nous est revenu tout à coup philosophe.» Et : «D’où lui vient cet orgueilleux sourcil ?» Pour toi, n’aie pas un sourcil orgueilleux. Attache-toi à ce qui te parait le meilleur, comme si Dieu t’avait désigné pour ce poste. Souviens-toi que, si tu persévères, ceux mêmes qui d’abord se moquaient de toi t’admireront plus tard. Mais, si tu te laisses abattre, tu te rendras doublement ridicule. 215b

S’il t’arrive par hasard de te retourner vers l'extérieur par complaisance pour quelqu’un, sache que tu as perdu ton assise. Contente-toi donc d’être en tout philosophe. Mais si tu veux encore le paraître, parais-le à toi même, et que cela te suffise!  215c

De même ici. Un tel ne t'a pas invité à un repas? C’est que tu n’as pas donné à celui qui convie, le prix qu’il vend son repas. Il le vend contre des compliments; il le vend contre des prévenances. Paye, si tu trouves avantage, le prix auquel il vend. Mais si tu veux à la fois recevoir et rien payer, tu es un insatiable et un sot. 217

N’as-tu donc rien en place du repas? Tu as de ne point avoir loué celui que tu ne voulais pas, et de ne pas avoir été en butte aux insolences des portiers. 218a

Comme un but n’est pas placé pour n’être pas atteint, le mal de même  n’existe pas dans le monde. 218b


En toute action, examine ses antécédents et ses conséquents, et alors seulement entreprends-la. Si tu ne le fais pas, tu seras au début plein d’ardeur, parce que tu n’as pas songé à qui vient ensuite; mais plus tard, quand certaines difficultés apparaîtront, honteusement tu t’en désisteras.218

Tu veux vaincre aux Jeux Olympiques? Et moi aussi, par les Dieux! car c’est un noble triomphe. Mais examine les antécédents et les conséquents de ce projet, et alors seulement entreprend-le. 219a

Tout ceci une fois pesé, si tu le veux encore, travaille à devenir un athlète. Sinon, tu te comporteras comme les enfants qui jouent, tantôt aux lutteurs, tantôt aux gladiateurs,  qui sonnent maintenant de la trompette et qui font les tragédiens ensuite. Il en sera de même pour toi, tantôt tu seras athlète, tante gladiateur, puis rhéteur, ensuite philosophe, et jamais rien de toute ton âme. Mais, tel un singe, tu imiteras tout spectacle que tu verras, et l'une après l’autre chaque chose te plaira. C'est qu'en effet, avant le l'entreprendre, tu n'as point examiné ni retourné sous toutes ses faces ton projet. Tu t'engages au hasard et avec un froid désir. 219b

Crois-tu qu’en te rendant philosophe tu pourras semblablement manger, pareillement boire, avoir les mêmes désirs, les mêmes aversions? Il faut veiller, peiner, se séparer des siens, souffrir le mépris d‘un jeune esclave, être raillé par les premiers venus, avoir en tout le dessous, dans les honneurs, dans les charges publiques, devant les juges et dans la moindre affaire. 220a

Nul ne peut te léser, si tu ne le veux point; car tu ne seras lésé que si tu juges qu'on te lèse. 220b

XXXI
1. - Sache que le plus important de la piété envers les Dieux est d'avoir sur eux de justes conceptions, qu'ils existent et qu'ils gouvernent toute chose avec sagesse et justice, et, par conséquent, d’être disposé à leur obéir, à leur céder en tout ce qui arrive, et à les suivre de bon gré avec la pensée qu‘ils ont tout accompli pour le mieux. Ainsi, tu ne t’en prendras jamais aux Dieux et tu ne les accuseras point de te négliger.

2. - Mais il n’est pas possible d’en arriver là, si tu n’ôtes pas, des choses qui ne dépendent pas de nous pour les placer dans les seules choses qui dépendent de nous, le bien et le mal. Car, si tu estimes comme bien ou comme mal quelqu’une des choses qui ne dépendent pas de nous, de toute nécessité, lorsque tu n’obtiendras pas ce que tu veux et que tu tomberas sur ce que tu ne veux pas, tu t’en prendras a ceux que tu crois responsables et tu les haïras.

3. - Tout être animé, en effet, est naturellement porté à fuir et à se détourner de ce qui lui parait un mal, et de ce qui en est la cause, à rechercher et à s’éprendre de ce qui lui parait un bien, et de ce qui le procure. II est donc impossible, à celui qui se croit lésé, d’aimer celui qui paraît le léser, comme il lui et impossible aussi d'aimer le dommage en lui-même. 221

Sois le plus souvent silencieux. Ne dis que ce qui est nécessaire et en peu de mots. S'il arrive, rarement toutefois, que s’offre l'occasion de parler, parle, mais que ce ne soit point des premières choses venues. Ne parle pas de combats de gladiateurs, de courses du cirque, d’athlètes, de nourritures ou de boissons, conversations courantes. Surtout, ne parle pas des hommes, soit pour les blâmer, soit pour les louer ou pour les mettre en parallèle. 223

De tels raisonnements ne sont pas cohérents : «Je suis plus riche que toi, donc je te suis supérieur. » «Je suis plus éloquent que toi, donc je te suis supérieur. » Mais ceux-ci sont cohérents : « Je suis plus riche que toi, donc ma richesse est supérieure à Ia tienne.» «Je suis plus éloquent que toi, donc mon élocution est supérieure à la tienne. » Mais tu n’es toi-même ni richesse ni élocution.

XLV
Quelqu’un se baigne promptement, ne dis pas «C'est mal.» mais dis : «C’est promptement.» 228

Page 229:



1. — La première et la plus importante partie de la philosophie est de mettre les maximes en pratique, par exemple : «Qu’il ne faut pas mentir.» La deuxième est la démonstration des maximes, par exemple : «D’où vient qu’il ne faut pas mentir? » La troisième est celle qui confirme et explique ces démonstrations, par exemple : « D‘où vient que c’est une démonstration ? Qu’est-ce que c’est qu’une démonstration, qu’une conséquence, qu’une opposition, que le vrai, que le faux? »

2. — Ainsi donc, la troisième partie est nécessaire à cause de la seconde; la seconde, à cause de la première. Mais la plus nécessaire, celle sur laquelle il faut se reposer, c’est la première. Nous, nous agissons à l’inverse. Nous nous attardons clans la troisième partie, toute notre sollicitude est pour elle, et nous négligeons absolument la première. Nous mentons en effet, mais nous sommes prêts à démontrer qu’il ne faut pas mentir. 232

Photos: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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