L'homme et l'animal, essai de psychologie comparée
F. J. J. Buytendijk
Gallimard, Idées 87, 1968.
Note: DLM = dans la marge
Disons avec force que l'ensemble des problèmes de la psychologie comparée repose sur une connaissance de ce qui est proprement humain chez l'homme. 7 DLM: deux traits verticaux
L'étude de la parenté entre les activités humaines et animales se propose d'examiner les caractères communs et les différences essentielles. 7
Mais dans cette structure certains processus du système nerveux central sont liés à la présence d'un état de conscience et par conséquent d'un «vécu» (Erlebnis) 9 DLM: *
En effet, on ne sait également chez l'homme s'il a «vu» quelque chose que lorsque son comportement par exemple un mouvement de défense (ou encore une déclaration verbale) en témoigne indubitablement. 10
Lors que Skinner rejette l'emploi du mot «voir» comme non scientifique, mais autorise l'expression «regarder vers» (to look towards), il se fonde sur l'idée que «voir» signifie davantage que tourner les yeux vers une source lumineuse, ou encore que la simple réception d'un stimuli (simple reception of stimuli). 11
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Si l'on estime que les grenouilles et les chats font réellement quelque chose, on peut se demander s'il le font comme les êtres humains. 12 DLM: deux traits verticaux
(...) est-ce que les actions des animaux (et des hommes) constituent des actes réels ou apparents? 12
L'homme a avec tout ce qui d'une façon ou d'une autre lui est «donné» une relation, un rapport. 13
Quelque chose est toujours donné à l'homme aussi longtemps qu'il n'est pas inconscient, par conséquent même quand il se repose ou qu'il dort. 13
(L'homme inconscient) végète (lebt) comme végète une plante (...) 13 DLM: la plante «sent»-elle?
Cet être végétatif se trouve dans un lieu, dans l'espace physique; mais il ne vit pas «quelque part», «au contact de quelque chose», «dans quelque chose». Il montre des manifestations de vie, mais il n'éprouve rien, il ne fait rien. 13
Il peut percevoir les choses, et il peut savoir qu'il les perçoit. Il peut voir une couleur rouge et savoir qu'il la voit. 14
(...) conduit à la notion d'inconscient. 15
(...) établir un rapport significatif entre l'acte et une situation, et entre celle-ci et l'acte. 17
(...) que seule l'unité d'une succession temporelle de mouvements possède le caractère de comportement. 17
(...) nous nous demandons à bon droit si la nature du comportement de beaucoup d'animaux en mouvement ne reste pas cachée à notre observation par une exécution trop rapide ou trop lente. 18
L'organisme animal et humain ne fait pas que vivre, il existe, c'est-à-dire qu'il crée une relation avec l'entourage. 22 DLM: deux traits verticaux
Ces perceptions sont toujours celles de l'homme, que ce soit dans la vie courante ou dans toutes les sciences. 23
Les termes «clair, obscur, froid, couleur, odeur, pression, rond, pointu, long, lointain, haut», etc., mais aussi d'autres comme «excitation, réaction, cause» sont des produits de l'expérience humaine. 23
Cependant, il nous faut bien noter que nous usons là de termes qui ne sont pas utilisables pour la matière inanimée ou pour le monde végétal. 26 DLM: ex. la plante carnivore?
«Pourquoi un animal se comporte-t-il ainsi et non pas autrement?» 27
(...) l'organisme organise son système nerveux central. 30
(l'anatomie) (la physiologie) nous enseignent ce que l'animal et l'homme sont capables virtuellement de faire et non ce qu'ils font. 31
«Pourquoi un animal se comporte-t-il ainsi et non pas autrement?» ne pose donc jamais le problème d'une cause, mais d'un motif, d'un mobile. 32
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(...) il nous faut distinguer exactement les termes de cause, de condition et de motif. 33
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(...) l'aspect de forces qui varient quantitativement. 36
(...) d'une caractéristique apparente. Il existe des motifs qui se présentent dans une certaine mesure comme des causes. 37
Parallèlement l'homme et l'animal «font» quelque chose: (...) 37 DLM: FROID
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C'est ainsi que nous comprenons la phrase du philosophe Heidegger: «L'existence est toujours prédéterminée.» 43
«Il n'existe pas d'état animal neutre (...) Seul l'animal mort est neutre.» 43
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Ces quelques exemples montrent qu'il existe une différence essentielle entre les motivations humaines et les motivations animales. 46 DLM: deux traits verticaux.
Un sujet est toujours en «situation». 54
Chaque espèce animale possède son environnement. 55
L'homme n'a pas un environnement, il a un monde. En face de ce monde, il se choisit un point de vue. 56 DLM: *
L'homme existe non seulement avec son monde et dans son monde comme l'animal, mais en face de son monde. 57
L'étude comparée du comportement ne peut jamais s'appuyer, nous le répétons, sur la comparaison du vécu animal et du vécu humain. Mais l'observation nous permet d'établir le caractère spatial du milieu animal : l'animal, comme l'homme, distingue le contact actif du contact passif. Son comportement montre qu'il note leur différence. Les expériences faites sur des animaux aveugles de différentes espèces montrent que, comme chez l'homme, le même contact cutané, donc objectivement le même excitant provoque une réaction différente, quand l'excitant tactile présente un rapport différent avec le mouvement propre. L'exemple, une seiche aveugle se meut comme un homme dans l'obscurité, elle promène ses bras étendus sur le sol de l'aquarium. Si on touche l'extrémité d'un bras antérieur avec une baguette de verre, le bras se retire. Si l'animal touche la baguette au cours de son mouvement propre, le bras ne se retire pas, l'animal lance un ou plusieurs bras pour tâter l'obstacle. Ce comportement montre que la même excitation tactile, au même point de la peau, prend une signification différente suivant que le contact est actif ou passif. 59
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(...) un système de valeurs. 61
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L'homme sait ce qu'il fait et perçoit. 63
(...) le concept physique du temps et le concept psychologique ou biologique du temporel. 66
Le temporel est donc commun à l'homme et à l'animal, il constitue pour eux une caractéristique des situations et du comportement. Mais l'exemple de la réaction à une menace nous offre l'occasion de déceler la différence entre l'homme et l'animal. 68
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Perception des sens et activités sont deux aspects de notre commerce avec les choses. 71
Nous pouvons englober tous ces modes de comportement des sens dans deux termes généraux : percevoir et remarquer. Ces expressions, comme d'ailleurs toutes les autres que nous fournit la langue, ne sont, pour désigner les relations sensorielles essentielles, que des à-peu-près. Les sens nous ouvrent l'accès à tout un tissu complexe de significations. 72
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Le corps du nouveau-né est déjà humain: il est déjà nettement orienté vers une existence ambiguë dans un monde à la fois historique et logique. 76 DLM: 3 traits verticaux
Le fondement de toute perception est la protection de l'existence par la distinction du saillant.78
Il serait pourtant erroné d'en conclure que l'animal voit la «triangularité» (Dreieckigkeit). Seul l'homme le peut, car il peut «abstraire» à partir d'une forme. 79
Une chose se dresse, dans notre monde, «en soi». Elle est (fabriquée). Elle est détachée d'un rapport d'aspect qui est celui que d'abord l'enfant voit. Une fois délivré de ce rapport, l'homme se crée de nouvelles relations avec la chose. Il en fait un objet d'usage ou d`art. Elle acquiert de ce fait un aspect neuf et de multiples significations dans notre existence. Elle suscite des comportements humains, nous invite à la saisir, à la travailler, à l'utiliser, à la désigner, à la dénommer, éventuellement à l'admirer. 80
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Un homme, conclurons-nous, c'est pour ainsi dire, un animal qui s'étant frotté les yeux, regarde étonné autour de lui, parce qu'il aperçoit l'autre, parce qu'il a en face de lui un monde qui lui fut donné en don inexplicable. C'est cette découverte de l'existence du monde qui permet l'entrée en scène de ce qui est proprement humain : langue, culture, technique, art, science et religion, mais aussi joie et douleur, amour et haine. 82 DLM: 2 traits verticaux
Cela explique le trouble qu'apportent à notre perception des dimensions la fatigue et l'ingestion de certains toxiques et certaines déficiences physiques, qui provoquent une «distanciation du monde (Entfremdung)». La grosseur d'un objet est non une mesure objective, mais une signification, qui est directement et obligatoirement perçue telle. 84
Cette familiarité est conditionnée: elle exige de l'animal l'expérience, de l'homme l'expérience et le jugement. 85
(...) la tranquillité et la sécurité de leur existence se basent sur une relation solide absolue entre la dimension et la distance. 87
Voir quelque chose n'est pas en premier lieu apercevoir objectivement un objet, c'est avant tout regarder ce qui suscite en nous une sensation d'action possible. 93
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La relation de l'homme au monde est ambiguë, il ressent le vécu, l'éprouvé, en même temps qu'il remarque ce qui objectivement est saillant. 93
(...) de procéder à une nouvelle élaboration d'un monde (Weltentwurf) et non pas de s'habituer à un entourage modifié. 94
Toutes ces études semblent démontrer que les animaux savent «comparer» plusieurs images perçues. 97
Si nous examinons la photo de Viki, nous la voyons coller son oreille contre la montre réelle ou contre son image, avec un sérieux égal. L'expérience établit que l'enfant sans doute à l'occasion pose son oreille l'image d'une montre, de même qu'il embrassera l'image d'un bébé ou d'un petit chien. Mais son comportement, sa mimique, tous ses gestes prouvent que le petit être humain agit «pour rire». Il fait comme s'il écoutait. Il berne l'adulte (...) 103
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Mais même les animaux supérieurs ignorent l'abstraction, parce qu'ils ne possèdent pas l'aptitude à la parole. 106 DLM: 2 traits verticaux et ?
Seuls les humains forment une communauté, une société et un état. 108
La société humaine se base sur des obligations normatives. 108
(...) connaissance s'appuie sur la nature corporelle, mais cette nature est dès le début dans son ambiguïté une nature humaine. L'enfant découvre d'abord son propre corps comme une situation et comme un objet. Deuxièmement, il découvre son prochain et d'abord sa mère comme le « complément » de soi-même, c'est-à-dire comme un alter ego. 110
Le regard exprime l'intimité, la connaissance, mais aussi l'identification et l'objectivation. 110
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Ces différences sont historiquement déterminées, elles ne constituent pas un destin inéluctable. 117 DLM: 3 traits verticaux et *
(...) et nous avons aujourd'hui que les fonds marins sont en maints endroits plus bruyants que nous ne l'imaginions d'abord. 118
Dans chaque langue tout peut être dit, et même ce pour quoi il n'existe pas de mot. Le système codé est un moyen d'expression limité. 119 DLM: 1 trait vertical et *
L'homme n'est pas un animal qui sait parler: sa langue est la manifestation d'un mode d'existence différent de celui de l'animal. 119
La parole n'a pas d'origine, elle est origine (Ursprung = saut originel). 121
L'homme est un «être qui interroge». 124 (Voir référence bas de page)
Le corps constitue l'esquisse préalable de l'existence. 129
De cette position, l'enfant peut avec les mains ou la parole indiquer quelque chose. Cela, le chimpanzé ne le peut pas. Il lui manque la parole, et par conséquent toute trace de civilisation, toute véritable humanité. 129 DLM: 1 trait vertical
Ce comportement normatif vient chez l'enfant d'un sentiment intérieur de devoir. On peut enseigner au singe à bien faire quelque chose, mais il ne ressent jamais le principe d'un «devoir». 133 DLM: *
L'enfant est humain et son humanité deviendra plus prononcée avec l'âge. 135
Cependant le chimpanzé est en général sérieux comme l'est toujours la nature. 136
Ce qui fait totalement défaut à l'animal et même aux singes les plus humanisés, c'est le sourire, expression d'une gaieté intérieure et contenue, réponse de l'enfant humain qui retrouve sa mère. 136
Nous ne pouvons essayer de comprendre les actions animales qu'en nous basant sur l'analyse des faits humains. 139
Page 140:
Les analyses du comportement animal montrent que le monde animal est un, il comporte une différenciation graduelle, mais non fondamentale. Chaque espèce a son intelligence pratique qui limite les dispositions innées et l'expérience 141
L'intelligence des animaux d'espèces différentes n'est pas directement comparable. 145 DLM: tel pour l'homme et les autres animaux
Page 152:
Toute intelligence pratique repose sur des aptitudes physiques. 152
(...), la main devient, comme dit Kant, le «cerveau externe de l'homme». 152
Pour bien comparer l’intelligence humaine et |'intelligence animale, il est essentiel de souligner que la constitution même de l'homme permet au petit enfant, dès avant qu'il parle, de développer avec sa main son intelligence pratique. Cette intelligence s'humanise très tôt, parce que l'enfant sait trouver et découvrir de multiples connexions de sens, qui échappent au chimpanzé. 153
157 : mot souligné dans las page «intuition» (définition)
(les singes) On y lit l'attente, la surprise, l'étonnement, la déception, la bouderie. 171
Mais nous n'avons aucune raison de leur (aux singes) attribuer la compréhension de rapports symboliques. 173
(...) c'est un principe en opposition avec tout ce qui est vie, (...) 173 DLM: quelle vie ?
L'homme les dépasse en vertu d'un pouvoir dont plantes et animaux sont privés: c'est la représentation, la pensée, la réflexion, et par là le travail volontaire, l'esprit créateur. 177
Les animaux possèdent une âme sensitive, l'homme y ajoute une âme spirituelle, l'âme rationnelle. 177
Numérisation: Pierre Rousseau - © 2019
Archives Pierre Rousseau
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