vendredi 19 juin 2020

Simulacres - Chapitre 21 - Le policier trouve les petits papiers

Voici le vingt-et-unième chapitre de Simulacres (Pierre Rousseau, 1995; ancien titre Dague)

21 Le policier trouve les petits papiers

Jaouen Olier constata que rien n'avait bougé depuis sa dernière visite. La probabilité qu'il y ait un cadavre dans cet appartement était égale à 1, ce qui correspondait à un mur dressé devant lui dans le labyrinthe. Il imagina une urne insérée entre les lattes du plancher, ou de petites boîtes disséminées ici et là et contenant de petits morceaux de chairs séchées. Mais les enquêteurs avaient fouillé partout.

Il fut contrarié de ce contretemps. C'est à ce moment qu'il aperçut un petit papier roulé serré, en tous points semblable à celui qu'il avait trouvé à sa première visite. Il le ramassa et le déroula: «Tu as été vengé, maman». Ce papier s'adressait donc à quelqu'un, et vraisemblablement à une mère. «Au cadavre!» murmura Jaouen, alors que de petits frissons instillaient sa colonne vertébrale.

Il lui semblait que l'odeur de mort était plus forte à l'endroit où il se trouvait. Avec une attention accrue, il examina le mur en face de lui, scrutant cette surface plane et lisse jusqu'à ce que son regard s'accroche sur l'ouverture d'un petit trou de la grosseur d'une mine de crayon, juste derrière le tableau de Hunt qu'il venait de soulever. Il renifla près de cet espace vide et recueillit dans ses narines une odeur désagréable. «L'odeur de mort vient de là!» dit-il à haute voix. Il recula pour voir ce mur qui longeait le garde-robe jusqu'à ce qu'il coupe à angle droit sur le couloir menant à la chambre. Il sortit le petit galon, prit quelques mesures, et nota une différence de dix pouces entre la longueur du mur et la profondeur du garde-robe. C'était amplement suffisant pour y placer un corps.

Il vida allègrement tout le garde-robe des vêtements, des souliers et des boîtes qui l'encombraient. Une ampoule de quarante watts jetait une lumière sombre sur le mur du fond, mais qui renvoya un son creux lorsque Jaouen frappa dessus. Il sourit. Tous les murs, pour la plupart, renvoyaient des sons creux. 

Il alla prendre un large couteau dans la cuisine et entreprit d'enlever minutieusement les quarts-de-rond entourant le mur sur tout son périmètre. Le panneau de contreplaqué bascula lentement vers lui. Il parvint à le retenir d'une main et le trouva anormalement lourd. Il risqua un oeil par-dessus pour apercevoir, avec épouvante, la tête d'un cadavre à la bouche hallucinante.

Il descendit le panneau jusqu'à ce que le corps desséché soit étendu sur le sol, face contre terre. Sa plus grande crainte était que la momie n'éclate en morceaux autour de lui, car il entendait un immense froissement de papier.

Mais il constata bientôt que ce bruit venait en fait de millier de petits papiers à cigarettes. Il comprit alors que depuis des années, une personne introduisait ces papiers par le minuscule trou qu'il venait de découvrir. Il en prit un, le déroula, et lut ces phrases tracées d'une écriture fine et tremblante: «24 décembre 1972. Il neige. Je me rappelle mes Noëls avec toi. Maman, parle-moi! » Il en prit un autre: «Je vais lapider ce foutu peintre». C'était daté de la journée même!

Jaouen se figea. Ce peintre, n'était-ce pas...?! C'est alors qu'il vit la sortie du labyrinthe, cette issue par laquelle il allait se soustraire aux méandres de son enquête.

Il jaillit du garde-robe et appela le bureau-chef afin que des hommes soient dépêchés à l'atelier de Pierrick, puis d'autres dans l'appartement pour faire un relevé des lieux et du cadavre. Il s'apprêtait à quitter lorsqu'un petit tintement provenant d'une armoire le figea. Il ouvrit la porte, et ne vit rien tout d'abord. Puis il distingua un petit objet rouge au fond d'un verre. Mais ayant déjà perdu trop de temps, il quitta précipitamment l'appartement sans chercher plus loin l'origine de cette petite pierre.

Si ce qu'il redoutait se produisait, il en voudrait longtemps à son jugement, et surtout à son manque d'appréciation vis-à-vis les éléments de preuves raisonnables qu'il détenait depuis le début.
 ____________________________

Aucun commentaire:

Publier un commentaire