vendredi 30 novembre 2018

Arts et lettres - Double sens

Considérée au xxe siècle comme pastorale et enfantine, cette chanson demeure issue d'un opéra comique, un divertissement pour adultes. Les paroles ne sont pas tout à fait romantiques mais légèrement crues (elles précèdent de peu la période du Romantisme). La bergère se déshabille à la quatrième strophe, puis, dans la cinquième strophe, elle semble faire une fellation à son bien-aimé, qui promet de l'épouser.

À l'époque moderne, Il pleut, il pleut, bergère est popularisé au Québec par Ovila Légaré en 1930. Cette version omet la dernière strophe, peut-être jugée trop grivoise. (Source: WEB)


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Il pleut, il pleut bergère
de Fabre d'Églantine

1. Il pleut, il pleut bergère,
Presse tes blancs moutons,
Allons sous ma chaumière
Bergère, vite, allons.
J'entends sous le feuillage
L'eau qui tombe à grand bruit,
Voici, voici l'orage
Voici l'éclair qui luit.

2. Entends-tu le tonnerre?
Jeune bergère, de William-Adolphe Bouguereau
(Source: WEB)
Il roule en approchant,
Prends un abri bergère
A ma droite en marchant.
Je vois notre cabane,
Et tiens, voici venir
Ma mère et ma sœur Anne
Qui vont l'étable ouvrir.

3. Bonsoir,bonsoir ma mère,
Ma sœur Anne bonsoir,
J'amène ma bergère
Près de nous ce soir.
Va te sécher ma mie,
Auprès de nos tisons.
Sœur, fais-lui compagnie,
Entrez, petits moutons.

4. Soignons bien, ô ma mère
Son tant joli troupeau;
Donnez plus de litière
A son petit agneau.
C'est fait, allons près d'elle
Eh bien, donc, te voilà!
En corset qu'elle est belle
Ma mère voyez-la.

5. Soupons! Prends cette chaise,
Tu seras près de moi;
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi.
Goûte de ce laitage
Mais tu ne manges pas!
Tu te sens de l'orage?
Il a lassé tes pas.

6. Eh bien! voilà ta couche:
Dors-y bien jusqu'au jour;
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d'amour.
Ne rougis pas, bergère,
Ma mère et moi demain
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.


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Cette « bergerie » bien dans le goût de la fin du XVIIIe siècle, devenue une des plus célèbres chansons enfantines, est l'œuvre de Philippe Fabre d'Églantine et ferait référence à la Reine Marie-Antoinette qui jouait à la bergère au Hameau de la Reine. Moins délicat en politique qu'en poésie, ce farouche « montagnard » fut décapité en même temps que Danton. (Source: WEB)

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jeudi 29 novembre 2018

Littérature québécoise - Salut Galarneau !

Voici un travail pratique du cours Français 301, Groupe 108, au Collège de Maisonneuve, que j'ai présenté, lundi, le 22 décembre 1969.

Sujet: Étude du roman québécois Salut Galarneau !, de Jacques Godbout

Note: 80 %

Commentaire du professeur:
Bon travail, rempli de choses fort intéressantes. Il est toutefois traité, non selon l'évolution du comportement mais sous divers angles.











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Salut Galarneau! (1967), de Jacques Godbout, est le journal rédigé à la première personne de François Galarneau, rebelle de la classe ouvrière et propriétaire d'une roulotte à hot-dogs à l'Île-Perrot, dans la banlieue de Montréal.

Jacques Godbout, Salut Galarneau!
Éditions du Seuil Paris 1967

Remarquez comme ce livre a du vécu...

Résumé (Wikipédia)
Dans ce roman psychologique, François Galarneau s'épanche dans ses cahiers sous la forme de poèmes et le récit de sa vie de tous les jours, sur ce qu'il voudrait être et faire, sur ses échecs amoureux, ses frères, son sentiment d'échec face aux études. À part cela, il gagne sa vie dans la restauration rapide, il est le roi du hot-dog.
Certains problèmes familiaux et amoureux le mènent à se recueillir et à finir son livre. 


Photos: Pierre Rousseau - © 2018
Archives Pierre Rousseau
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mercredi 28 novembre 2018

Photographie - Obus du canon... routier

Photographie prise dans les années 60, sur l'île Saint-Hélène je crois. Cette photo parle d'elle-même.


Photo: Pierre Rousseau - © s/d
Archives Pierre Rousseau
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mardi 27 novembre 2018

Poésie - Déchirures - Clef de sol

Clef de sol

Ma blonde est partie.
Elle me vire à tout bout de chant.
Finie la rengaine.
Pour mieux changer d’air.
J’échafauderai mon avenir.
Je prendrai un temps mort.
Je m’ancrerai sur le sol.
Comme au premier jour.
Nul et nu.
Sans contre-ut.
Sans pression d’os.
Épave intacte.
Sur une portée déserte.

Déchirures, Pierre Rousseau, 2003
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lundi 26 novembre 2018

Littérature française - Le père Goriot (Balzac)

Lecture, en 1969, de Le père Goriot, d'Honoré de Balzac, avec soulignements et notes jusqu'à la page 62 et, après, jusqu'à la page 254: plus rien !

 

Honoré de Balzac, Le père Goriot,
Garnier-Flammarion, Paris, 1966, 112
Photos: Pierre Rousseau - © 2018
Archives Pierre Rousseau


Cependant il s’y rencontre çà et là des douleurs que l’agglomération des vices et des vertus rend grandes et solennelles (...) 25

Nul quartier de Paris n'est plus horrible, ni, disons-le, plus inconnu. 26

Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l’argousin, vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Âgée d’environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs . Elle a l’oeil vitreux, l’air innocent d’une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d’ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer. 31 Note: un x dans la marge, peut-être pour montrer un exemple de description d'un personnage.

Généralement les pensionnaires externes ne s’abonnaient qu’au dîner, qui coûtait trente francs par mois. A l’époque où cette histoire commence, les internes étaient au nombre de sept. Le premier étage contenait les deux meilleurs appartements de la maison. Madame Vauquer habitait le moins considérable, et l’autre appartenait à madame Couture, veuve d’un Commissaire-Ordonnateur de la République française. Elle avait avec elle une très jeune personne, nommée Victorine Taillefer, à qui elle servait de mère. La pension de ces deux dames montait à dix-huit cents francs. Les deux appartements du second étaient occupés, l’un par un vieillard nommé Poiret ; l’autre, par un homme âgé d’environ quarante ans, qui portait une perruque noire, se teignait les favoris, se disait ancien négociant, et s’appelait monsieur Vautrin. Le troisième étage se composait de quatre chambres, dont deux étaient louées, l’une par une vieille fille nommée mademoiselle Michonneau, l’autre par un ancien fabricant de vermicelles, de pâtes d’Italie et d’amidon, qui se laissait nommer le père Goriot. Les deux autres chambres étaient destinées aux oiseaux de passage, à ces infortunés étudiants qui, comme le père Goriot et mademoiselle Michonneau, ne pouvaient mettre que quarante-cinq francs par mois à leur nourriture et à leur logement ; mais madame Vauquer souhaitait peu leur présence et ne les prenait que quand elle ne trouvait pas mieux : ils mangeaient trop de pain. En ce moment, l’une de ces deux chambres appartenait à un jeune homme venu des environs d’Angoulême à Paris pour y faire son Droit, et dont la nombreuse famille se soumettait aux plus dures privations afin de lui envoyer douze cents francs par an. Eugène de Rastignac, ainsi se nommait-il, était un de ces jeunes gens façonnés au travail par le malheur, qui comprennent dès le jeune âge les espérances que leurs parents placent en eux, et qui se préparent une belle destinée en calculant déjà la portée de leurs études, et, les adaptant par avance au mouvement futur de la société, pour être les premiers à la pressurer. Sans ses observations curieuses et l’adresse avec laquelle il sut se produire dans les salons de Paris, ce récit n’eût pas été coloré des tons vrais qu’il devra sans doute à son esprit sagace et à son désir de pénétrer les mystères d’une situation épouvantable, aussi soigneusement cachée par ceux qui l’avaient créée que par celui qui la subissait. 31

Des pages 33 à 38: Noms des personnages dans la marge (lieu de leur description): Michonneau, Poiret, Victorine, Rastignac, Vautrin, Goriot.

Le beau Paris ignore ces figures blêmes de souffrances morales ou physiques. Mais Paris est un véritable océan. 34

La Maison-Vauquer est une de ces monstruosités curieuses. 34

Voilà un fameux gaillard ! Il avait les épaules larges, le buste bien développé, les muscles apparents, des mains épaisses, carrées et fortement marquées aux phalanges par des bouquets de poils touffus et d’un roux ardent. Sa figure, rayée par des rides prématurées, offrait des signes de dureté que démentaient ses manières souples et liantes. Sa voix de basse-taille, en harmonie avec sa grosse gaieté, ne déplaisait point. Il était obligeant et rieur. Si quelque serrure allait mal, il l’avait bientôt démontée, rafistolée, huilée, limée, remontée, en disant : Ça me connaît. 36

À la page 48, dans la marge: Rastignac aux prises avec Paris.

À la page 51, dans la marge: Introduction. C'est-à-dire: la dernière phrase de l'introduction:
«La vicomtesse répondit par une invitation de bal pour le lendemain.»
et la phrase suivante:
«Telle était la situation générale de la pension bourgeoise à la fin du mois de novembre 1819.»

Souligné à la page 50: madame de Beauséant.

Souligné à la page 51: La comtesse Anastasie de Restaud.

Mademoiselle Taillefer coula timidement un regard sur le jeune étudiant. 59

- Mais, lui dit Vautrin en l’interrompant, nous ne tenons pas à vous le faire croire. Vous êtes encore trop jeune pour bien connaître Paris, vous saurez plus tard qu’il s’y rencontre ce que nous nommons des hommes à passions (...) 61

- Mais, dit Eugène avec un air de dégoût, votre Paris est donc un bourbier.
- Et un drôle de bourbier, reprit Vautrin. Ceux qui s’y crottent en voiture sont d’honnêtes gens, ceux qui s’y crottent à pied sont des fripons. Ayez le malheur d’y décrocher n’importe quoi, vous êtes montré sur la place du Palais-de-Justice comme une curiosité. Volez un million, vous êtes marqué dans les salons comme une vertu. Vous payez trente millions à la Gendarmerie et à la justice pour maintenir cette morale-là. Joli ! 62
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dimanche 25 novembre 2018

Fouilles - Sans titre

« Je ne te demande pas des choses que tu n’as pas », lui dis-je.

« C’est pourtant ce que je donnerais le plus », répondit-elle.

Je la regardai s’éloigner, nonchalante, comme une fillette qui sait qu’on la regarde.

(Fouilles, Pierre Rousseau, 2000)

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samedi 24 novembre 2018

Créatitude - Mémoire, création et cercueil

En 2003, j'écrivais:

«La mémoire influence la création: un cercueil peut figurer la mort, un patois, Edgar Allen Poe, un sarcophage.» (Créatitude, Pierre Rousseau, 2003)

Aujourd'hui, je pourrais ajouter: un adieu, une veuve, du plomb, une pelletée, un squelette.


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Cercueil: le patois du personnage Lionel Rivard, joué par Rémy Girard, dans la série québécoise Scoop.

Scoop est une série télévisée québécoise en 52 épisodes de 45 minutes, créée par Fabienne Larouche et Réjean Tremblay et diffusée du 8 janvier 1992 au 6 avril 1995 à la Télévision de Radio-Canada.
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jeudi 22 novembre 2018

Les mains ravisseuses - Finalement... inédit

Notes dans mon journal sur la petite histoire du manuscrit Les mains ravisseuses:

Mardi 12 juin 2001
Porte manuscrit Les mains ravisseuses chez Guérin.



Dimanche 17 juin 2001
Yvon Boucher (Guérin) appelle pour dire qu'il recommandera chaudement Les mains ravisseuses.

Août 2001
Refus de Les mains ravisseuses (Guérin).





27 août 2001
Appelle Nicole Bourget (Guérin) pour explications sur refus; elle me lit la lettre d'Yvon Boucher (très bien).
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Jeudi 6 décembre 2001
Rencontre Michel Bédard (Varia) pour Les mains ravisseuses (remise du manuscrit).

15 janvier 2002
Refus de Les mains ravisseuses (Varia).
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Vendredi 25 janvier 2002
Porte Les mains ravisseuses Boréal, Herbes Rouges et Libre expression.

Vendredi 1er mars 2002
Porte Les mains ravisseuses aux Intouchables.

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Finalement, le manuscrit ne sera jamais retenu pour publication.
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mardi 20 novembre 2018

Philosophie - Mâle ou femelle

Au sujet des homosexuels, Alexis Carrel écrivait en 1935:
« Les sexes doivent de nouveau être nettement définis. Il importe que chaque individu soit, sans équivoque, mâle ou femelle. Que son éducation lui interdise de manifester les tendances sexuelles, les caractères mentaux et les ambitions du sexe opposé. » [page 20].

L'Homme, cet inconnu, Alexis Carrel,
Éditions Le Livre de Poche Encyclopédique N°445/446, 1959.
Photo: Pierre Rousseau - © 2018
Archives Pierre Rousseau
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Au Québec, en 2015, la ville de Gatineau renomme la rue Alexis-Carrel en rue Marie-Curie. De plus, à Montréal en 2017, l'avenue et le parc Alexis-Carrel sont renommés avenue Rita-Levi-Montalcini et parc Don-Bosco.
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lundi 19 novembre 2018

Concours littéraire - Le grand jeu

Le 3 juin 1985, je portais mon manuscrit Le Grand jeu au concours littéraire La Plume saguenéenne à l’école Laura-Conan.

Cette année-là, je gagnais le premier prix avec ce roman jeunesse (inédit).

Je me souviens qu'Élisabeth Vonarburg siégeait sur le comité de lecture. Elle m'avait demandé: « Vous connaissez les Livres dont vous êtes le héros ? » Je ne les connaissais pas et pourtant j'avais écrit mon roman dans le style «sauts de page». Mais ces sauts n'étaient pas sans raison, puisqu'ils permettaient au héros de voyager... dans l'espace-temps. Cette façon de mener l'action dans les livres de jeunesse était... dans l'air du temps.


Photo parue dans Le Quotidien, de Chicoutimi.

À gauche, Suzanne Rogers (2e prix) et moi, Pierre Rousseau (1e prix).

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Le prix La plume saguenéenne est un prix littéraire québécois qui a été créé en 1977 par la Société des écrivains canadiens. Il a pour objectifs de promouvoir la littérature et d'encourager les auteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord. Le concurrent doit bien sûr être originaire d'une de ces régions, ou y demeurer depuis au moins cinq ans.

Lettre de confirmation de la Société des écrivains canadiens, signée par Jean- Noël Jacob, de la Fondation des amis des écrivains.

Archives Pierre Rousseau
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dimanche 18 novembre 2018

Jaculari - Tableau chronologique

Pour Jaculari (1994), j'avais fait un tableau pour m'aider à retrouver l'âge des personnages, entre autres de Sydonie et ses 7 frères:

Octavyen : lessive (paresse)

Raphayël : pomme (gourmandise)
Aurélyen : lunettes (escalier, lumière, orgueil)
Yvan : feu (colère)
Sylvestre : godendart (impureté, onanisme)
Olyvier : boisson (avarice)
Nathanyël : jupon (envie)

Archives Pierre Rousseau
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vendredi 16 novembre 2018

Librairie Tranquille - Un système pratique

Dans les années 60, quand j'achetais un livre à la librairie Tranquille de la rue Sainte-Catherine (Montréal), une fois lu, pour 10 cents, je pouvais l'échanger pour un autre et ainsi de suite.

Carte d'affaire de la librairie Tranquille
Photo: Pierre Rousseau - © 2018
Archives Pierre Rousseau
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jeudi 15 novembre 2018

Jean Giono - Les grands chemins

Voici quelques extraits que j'avais soulignés en lisant Les grands chemins, de Jean Giono, dans les années 70. Jean Giono est vite devenu un de mes auteurs préférés.

Jean Giono - Les grands chemins
Éditions Gallimard 1951 (1967) Livre de poche 1091
Photo: Pierre Rousseau - © 2018
Archives Pierre Rousseau


  • Que c'est important la frousse! 16

  • (...) de temps en temps, j'aime partir, c'est très simple. 24

  • (...) je suis un de ceux qui savent apprécier le plaisir d'être entassés. 48

  • Ils me prennent tous pour ce que je suis: un type d'attaque et bon enfant. 49

  • Le bonheur est un travail solitaire. 55

  • Je vis en bonne intelligence avec ce qui m'entoure. 73

  • On a frotté la gomme sur tout: la page est redevenue presque blanche. 110

  • Quand on est bel et bien en présence du problème qui consiste à ce qu’on appelle vivre qui est simplement en définitive passer son temps, on s'aperçoit vite qu'on n’arrive pas à le passer sans détourner les choses de leur sens. 114

  • Il faudrait être resté le cul toute sa vie sur une chaise pour ne pas comprendre qu'on a raison d'être pressé. 127

  • La vie (j’y pense) c'est mille riens. Il y en a qui en font une affaire. Non. C’est peut-être le premier narcisse qui compte. Et pas forcément en beau. 133

  • Je lui dis que moi, je suis un petit. 142 Note dans la marge: vit au jour le jour.

  • Ça sert à quoi de ne pas vouloir prévoir? 143

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mercredi 14 novembre 2018

Politique - Faux billets de 1 $





Faux billet de 1$ distribué par l'Union nationale pour inciter les gens à voter pour leurs candidats.

«Salaire minimum de $1.00 l'heure que vous obtiendrez en votant pour Daniel Johnson et les candidats de l'Union nationale» est-il écrit. Un côté en français, l'autre en anglais.


Photos: Pierre Rousseau - © 2018
Archives Pierre Rousseau
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mardi 13 novembre 2018

Créatitude - La bêtise

En 2003, j'écrivais ces quatre pensées sur la bêtise:

«L'âne n'est pas plus bête que tout autre animal, mais il l'est d'une façon qui se rapproche le plus de celle de l'humain.»

«Butor, buse, dinde ou bécasse, l'oiseau est souvent à l'image de la bêtise.»

«Certains réussissent l'exploit d'être à la fois nul et épais.»

«Quand la bêtise devient maladresse, ou distraction, la complaisance n'est pas loin.»

(Créatitude, Pierre Rousseau, 2003)


Planche 14 : Rapport de la Figure humaine avec celle de l'âne
Système de Lebrun sur la Physionomie
Morel d'Arleux, Louis-Marie-Joseph (1755-1827)

Ces observations prêtent bien sûr à discussion, mais, dans le fond, que rajouter de plus.
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lundi 12 novembre 2018

Arts et lettres - Spitfire

En 1963, j'écrivais dans mon journal personnel:

9 mars 63
Fait un dessin représentant un avion, un chasseur.


Je m'intéressais alors aux avions. Je voulais même devenir aviateur. Voici ce dessin fait à l'endos d'une vieille feuille de comptabilité (31,0 cm x 16,5 cm)  :





Sur le WEB :

Le Supermarine Spitfire (en anglais cracheur de feu, mais aussi au sens figuré soupe au lait ou mégère, d'où dragon également) est l'un des chasseurs monoplaces les plus utilisés par la RAF et par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Il donna lieu à une diversification et à une multiplicité de versions jamais atteinte auparavant dans l'histoire de l'aviation.

Les ailes elliptiques du Spitfire lui ont donné une apparence très reconnaissable ; leur section transversale mince lui a donné une vitesse impressionnante ; la conception brillante du concepteur en chef Reginald Mitchell et de ses successeurs (il est mort en 1937), a fait du Spitfire un avion apprécié par les pilotes. Il a servi pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale et, avec toutes ses variantes, a été de tous les combats.

Plus de 20 300 appareils furent construits et les Spitfire sont restés en service jusque dans les années 1950. 
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dimanche 11 novembre 2018

Décès et autres petites morts - Première partie, Chapitre 1

Décès et autres petites morts, Pierre Rousseau, 2003.

Première partie
Chapitre 1

Écrasés d’azur, pétris d’air sec, nous marchons dans cette commune des Yvelines qu’on appelle Louveciennes. Des volutes d’une poussière crayeuse s’élèvent sous nos semelles. Ma barbiche grisonne ; même Bépécé n’a plus la peau aussi noire.

– Fait chaud, dis-je.

Vaseline lève les bras vers un ciel vide comme un trou :

– Arrête de te plaindre.

– Je me plains pas.

Malgré son âge, Vaseline est impressionnant. Six pieds et 3 pouces, droit comme un poteau, épaules carrées, chemise carreautée et une intelligence très au-dessus de la moyenne. J’apprécie son style, sa parlure, suffisamment pour le suivre dans des lieux étranges et chez des inconnus qui ne me disent absolument rien.

Midi sonne au village. Trois cyclistes nous dépassent en maugréant. En haut d’un raidillon, je vois une fermette au loin, comme dans un tableau impressionniste. Je pourrais presque la toucher.

– C’est là ? dis-je en mettant mon doigt dessus.

– La ferme de mon frère, dit Vaseline.

– Elle ne paye pas de mine, la fermette. Je m’attendais à beaucoup plus.

Vaseline tape dans ses mains et pointe sa casquette droit devant :

– Voilà un beau corps de ferme avec grange et écuries, dit-il.

– Où ça un beau corps de femme grande et équarrie ? m’exclamai-je.

Il me prend par le collet.

– La ferme, imbécile ! tempête-t-il.

À bien y regarder, c’est une belle ferme, avec une maison aux murs de pierres, quelques bâtiments très bien tenus et une marre aux canards. Je pense à Cécile Dranac. Je geins. Vaseline passe son bras autour de mes épaules :

– Qu’est-ce que tu as, encore ?

– Je pleure.

– C’est pas un cœur que tu as dans la poitrine, mais un détecteur de drame.

– Qu’as-tu vu ?

– Des canards.

– T’es un imbécile ! Cette femme-là est partie. Ça fait des mois, un an maintenant. Elle ne reviendra pas. Compris ?

– Oui.

– Allez, avance !

Avec Cécile Dranac, je conjuguais mon amour au conditionnel. M’aimes-tu ? était mon plus grand cri de détresse. Si elle disait oui, je lui demandais pourquoi. J’étais devenu terriblement jaloux. Si elle trouvait intéressants les propos d’un autre homme, j’haussais les épaules de dédain. Je n’aime pas qu’on tourne autour de mes amours, surtout les confrères de travail.

– T’es certain qu’il voudra te voir ton frère ? demandai-je à Vaseline.

– J’en suis certain, répond-il en allumant sa centième cigarette.

– Comment il s’appelle, ton frère ?

– Antoine.

– Pourquoi il vit en France ?

– Longue histoire. Dette de jeu.

– Il te ressemble ?

– Tu verras.

– T’es venu souvent ici ?

– Une fois. Il y a longtemps. T’inquiète pas, il ne dira pas non.

Vaseline a soixante-sept ans – trente-six de plus que moi – et une queue de cheval qui lui descend jusqu’aux reins. « Ma plus grande force, » affirme-t-il. Je fais le compte de ses mensonges et je ne suis pas encouragé. Pas d’hypocrisie, de calomnie, ni même de médisance de sa part, mais de la mystification.

– Peut-être le frère de Vaseline a-t-il bien changé, hein ? dit Bépécé à Nobel Flat qui, tout à ses pensées, ne commente pas.

Les trois marchent d’un bon pas devant moi. J’ai toute la peine du monde à les suivre.

– C’est encore beaucoup de fatigue avant de l’atteindre ? demandai-je à Vaseline.

– Un kilomètre. Une fourmi qui traverse un sentier.

– Les fourmis ont six pattes, répliquai-je.

Des abeilles bourdonnent autour de nous. Elles butinent les fleurs sauvages comme des débiles, interprètent un minuscule concert en pleine nature. L’une d’elles s’approche, me regarde droit dans les yeux, se pose sur la monture de mes lunettes, marche sur la lentille droite, puis sur la gauche. Je louche. J’ai peur. Vaseline fait un drôle de bruit avec sa bouche. L’abeille s’en va.

– Imbécile ! dit-il.

Je traîne de plus en plus la patte.

– J’ai mal ! me plaignis-je.

– Où ? me demande Vaseline.

– Je sais pas.

Il s’arrête, se retourne et me donne un coup de pied dans le tibia. Je sautille sur place.

– Et là, où t’as mal ?

Nous nous remettons en route. Vaseline sifflote.

– C’est long un kilomètre, dis-je. Pour moi, ta fourmi est cul-de-jatte.

Des odeurs de fumier nous encerclent, une armée de succubes malpropres.

– Ça sent mauvais, dis-je.

Personne ne répond. Bépécé dépoussière aux dix enjambées ses Reabook blancs achetés à Paris. Un peu plus loin, une bonne odeur me fait lever le nez.

– Ça sent bon, dis-je.

Bépécé respire un grand coup :

– La lavande.

Un orage se dessine au fusain, à l’horizon.

– Il va pleuvoir, observai-je.

– La ferme, crie Vaseline.

Comme de fait, nous passons enfin le portail de la fermette convertie en couette et café. Vaseline frappe à la porte qui s’ouvre aussitôt. Le bonhomme nous surveillait. C’est un homme gras et court, poilu du visage, des bras, des oreilles, de partout, une espèce de chenille, avec des lèvres massives et pincées comme celle d’un chimpanzé. Il ne ressemble pas du tout à Vaseline.

– C’est pas encore la saison, c’est fermé, dit-il.

Sa froideur nordique me rassérène, nous ne moisirons pas ici.

– C’est Raoul, ton frère, dit Vaseline.

– Je te reconnais.

Vaseline prend un air de petit saint pour nous présenter :

– Avec mes amis : Samuel, l’Anglais, surnommé Nobel Flat ; là, c’est l’Haïtien, Bernard Philippe Carrié, dit Bépécé ; et derrière, c’est l’imbé… Coco. Mes amis, voici mon frère Antoine.

– Appelez-moi Jacques, lui dis-je. Lui, c’est Vaseline.

Monsieur Antoine ne dit rien, mais Vaseline ne lâche pas prise :

– Nous pouvons loger chez toi quelque temps ? Nous visitons la région.

– Retombées économiques, ajoutai-je avant de me rendre compte de ma bévue.

– Il y a une chambre. Entrez.

Monsieur Antoine a une attitude convenable, mais peu invitante. Il n'incite pas ses visiteurs à s’incruster. La chambre, grande comme un mouchoir de poche, est propre. Une forte odeur de fond de pot de tapioca flotte dans l’air. De petites pierres de toutes les couleurs ont été collées sur des bouteilles de vin et des plantes sèches comme des allumettes mises dedans. Il y a deux grands lits. Vaseline et Bépécé coucheront ensemble, moi tout seul et Nobel Flat à terre. « Pour mieux écouter ce qui se dira en bas », dit-il.

Nous descendons pour le dîner. Monsieur Antoine nous engueule :

– Je vous avais interdit de fumer !

Je regarde Vaseline et je fais « Hé ! » Pour me punir, il enlève ma tuque et s’assoit dessus. Je boude. Pendant le repas, nous sommes silencieux comme des moines. Monsieur Antoine affiche un air triste, forcé peut-être. Il mâchonne son pain comme un ruminant. Sa femme est partie avec les enfants. « Depuis 172 jours », dit-il. S’il compte en jours, c’est qu’il s’ennuie. Il ne l’avouera pas. Peut-être prête-t-il à sa femme des sentiments bien trop compliqués.

– Bon débarras ! murmure-t-il.

– Même les enfants ? dis-je.

Vaseline me donne une taloche derrière la tête. Même s’il ne le prononce pas, le mot « imbécile » résonne sous mon crâne. Dans le salon et la cuisine trônent des mobiliers et des appareils électroniques dernier cri. Le bonhomme s’entoure de gadgets, fait de folles dépenses, se laisse aller. Sur le buffet, la lettre d’un huissier.

Après le dîner, Vaseline décide de faire une tournée au village. Bépécé et Nobel Flat le suivent, moi aussi, presque obligé, même si j’ai mal au cœur. Passer de 30 000 pieds d’altitude à rat de terre n’a pas fait de bien à mon estomac. Les saucisses de monsieur Antoine non plus.
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